Ouattara veut une "forte majorité" aux législatives en Côte d’Ivoire

Le président ivoirien Alassane Ouattara à l'Élysée, Paris, France, le 22 novembre 2016.

Le président ivoirien, qui doit faire face à des frondeurs au sein de son propre camp, vise "une forte majorité au parlement" aux législatives du 18 décembre, dont la campagne débute samedi.

Quelque 30.000 membres de forces de sécurité seront déployés pour le scrutin alors que des plusieurs incidents ont eu lieu ces derniers mois (commissariats attaqués, gendarmes lynchés).

Mais quelles sont les chances de l’opposition et de la kyrielle de candidats indépendants ? Jacques Aristide s’est entretenu avec le journaliste indépendant Ferro Bally qui évoque d’abord les enjeux de ce scrutin organisé après l’adoption d’une nouvelle constitution.

Your browser doesn’t support HTML5

Ferro Bally joint par Jacques Aristide

"Ces législatives qui arrivent anticipent progressivement de la normalisation de la vie politique en Côte d’Ivoire. L’enjeu le plus important – on l’espère – est que la prochaine équipe qui va donc siéger à l’Assemblée nationale ne va plus être monocolore comme celle qui est en train de tirer sa révérence", analyse M. Bally.

La coalition présidentielle Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) vise la majorité absolue à l'Assemblée, composée de 255 députés.

"Donnez-moi une forte majorité pour me permettre d'accélérer les travaux que j'ai comme objectif pour les quatre années à venir", jusqu'à la fin de son mandat présidentiel, a affirmé Alassane Dramane Ouattara, qui vante les mérites de son bilan économique pour convaincre les électeurs.

La plupart des observateurs et même certains opposants reconnaissent les mérites économiques d'ADO dont le bilan politique est plus mitigé avec une réconciliation nationale encore à parfaire, une justice critiquée et une nouvelle constitution adoptée après un référendum boudé par l'opposition et qui n'a pas attiré les foules fin octobre.

ADO disposait jusqu'ici d'une majorité écrasante à l'Assemblée, l'opposition ayant boycotté les législatives de 2011 à l'issue de la crise post-présidentielle qui avait vu Laurent Gbagbo refuser de reconnaitre sa défaite face à Ouattara et plonger le pays dans des violences ayant fait 3.000 morts.

Cette fois, une partie du Front populaire ivoirien (FPI), l'ancien parti de Gbagbo - actuellement jugé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité -, a décidé d'aller aux urnes, "la politique de la chaise vide n'ayant pas porté ses fruits", selon l'ancien Premier ministre Pascal Affi Nguessan.

"La bataille à venir c'est de mobiliser pour conquérir l'Assemblée nationale", a-t-il annoncé.

Mais l'autre branche du FPI, les "frondeurs" qui se disent fidèles à Laurent Gbagbo, a appelé au boycott.

Le taux d'abstention sera regardé de près. Mais, selon de nombreux observateurs, le nombre de votants devrait être à la hausse, car si les débats ne passionnent pas au niveau national, la bataille au plan local est parfois brûlante, avec pas moins de 1.337 candidats en lice pour ce scrutin à tour unique (est élu celui qui arrive en tête).

- Toit arraché -

Ce système a obligé le parti de Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), à trouver un terrain d'entente avec les autres partis de la coalition RHDP, notamment avec son principal allié le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'ancien parti unique.

Cela n'a pas été sans mal. La désignation des candidats du RHDP a donné lieu à des négociations serrées et de nombreuses empoignades et frustrations. Ainsi, comme le rapporte le quotidien Soir Info, le maire PDCI de Guyo (sud-ouest du pays) a arraché le toit du siège de son parti dans sa ville pour empêcher toute réunion dans ces locaux, après avoir appris qu'il ne serait pas investi au profit d'un membre du RDR.

Les négociations ont été si tendues qu'elles ont conduit le président à limoger deux ministres dont les petites formations politiques voulaient plus d'investitures. Le ministre des Affaires étrangères Abdallah Albert Toikeusse Mabri, membre de l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI) a ainsi "sauté". Son parti réclamait une vingtaine d'investitures, la coalition lui en proposait la moitié...

De nombreux candidats ont aussi enfreint la discipline de la coalition pour se présenter comme indépendants. "RHDP-Indépendants: que la guerre commence", soulignait le quotidien l'Expression relevant que "parmi les 740 candidats indépendants, beaucoup sont issus du RHDP".

La bataille la plus médiatique aura lieu à Cocody, quartier huppé d'Abidjan où une des "vedettes" du gouvernement, Affoussiata Bamba-Lamine, ministre de la Communication, défiera Yasmina Ouegnin, fille de Georges Ouegnin, figure de la vie politique ivoirienne, indéboulonnable chef du protocole de la présidence (1960-2000). Députée sortante du PDCI, Mme Ouegnin n'a pas été investie par le PDCI parce qu'elle s'était opposée à la nouvelle Constitution.

Ce duel indécis entre femmes, dont l'issue sera symbolique, concentre les regards, la victoire générale ne devant pas échapper au camp Ouattara.

Avec AFP