Mercredi, après une longue route et dix heures en bateau pour traverser la mer Rouge, elle a rejoint les milliers de civils évacués vers l'Arabie saoudite, reconnaissante d'avoir survécu mais rongée par la culpabilité et l'inquiétude d'avoir laissé ses proches au Soudan.
"J'ai eu la chance de partir, mais pas mes soeurs", a déclaré à l'AFP cette Egyptienne, détentrice d'un passeport américain, alors qu'elle débarquait d'un imposant navire ayant transporté plus de 1.600 civils vers la ville portuaire saoudienne de Jeddah. "Je ne sais pas si elles pourront sortir" du pays, a-t-elle ajouté, en larmes.
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Le bateau, arrivé mercredi, a permis l'évacuation de ressortissants de plus de 50 pays, des Philippines au Zimbabwe en passant par l'Irlande et le Nicaragua, selon un communiqué du ministère saoudien des Affaires étrangères.
Tous les passagers, simples visiteurs ou bien installés au Soudan depuis des années, ont dit s'inquiéter pour leurs amis, leur famille ou leurs collègues restés dans le pays, confrontés à la violence et à de graves pénuries de nourriture, d'eau, de carburant et de médicaments.
"Je n'étais pas allé au Soudan depuis longtemps, mais (ma famille et moi) en sommes très proches", a confié Bilal al-Ayoubi, un Libanais de 37 ans. "Ses habitants sont très gentils et ne méritent pas ce qui leur arrive", a-t-il ajouté en pleurant.
Hadia Aladwani, originaire d'Egypte, a passé 16 ans dans le pays où son mari dirigeait une usine de fabrication de plastique. Le couple y a connu la dictature d'Omar el-Béchir, mais aussi les manifestations qui ont permis de renverser l'ancien homme fort du pays, en 2019. Mais cette nouvelle crise a été celle de trop. "Nous avons quitté notre maison, tous nos biens, nous avons l'impression de vivre un cauchemar", a-t-elle dit.
Nuit blanche
Le Soudan a plongé dans le chaos le 15 avril, otage des combats entre le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son numéro deux Mohamed Hamdane Daglo, chef des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Selon l'ONU, au moins 459 personnes ont été tuées et plus de 4.000 blessées. L'Arabie saoudite a lancé la première opération d'évacuation samedi, transportant près de 150 personnes, parmi lesquelles des diplomates et des fonctionnaires étrangers, par bateau vers Jeddah.
Lundi, un avion militaire C-130 Hercules a ramené des dizaines de civils sud-coréens vers une base aérienne de Jeddah tandis qu'un bateau a fait la traversée avec près de 200 personnes originaires de 14 pays depuis Port-Soudan. L'opération de mercredi, avec 1.600 civils, était la plus importante à ce jour.
Arrivés hagards après une nuit blanche, que certains ont passé entassés dans les cages d'escaliers du bateau, les passagers ont été appelés par nationalité pour récupérer leurs bagages, avant d'être accueillis par des soldats saoudiens leur offrant des roses. Parmi eux, des Syriens qui avaient déjà dû fuir leur propre pays, ravagé par un conflit depuis 2011.
"Nous avons quitté notre pays à cause de la guerre et nous sommes arrivés dans un autre pays, également confronté à la guerre. Cette expérience, que nous avons vécue deux fois, est très difficile", a raconté à l'AFP Batool, une femme de 35 ans. A ces mots, son fils, Adham, âgé de 17 ans, a éclaté en sanglots. "J'ai laissé tellement de rêves derrière moi...", a-t-il dit sans pouvoir terminer sa phrase.