Présidentielle au Gabon: la commission électorale en conclave

Le président de la CENAP avec des observateurs à Libreville, le 30 août 2016 (VOA/Idriss Fall)

Les Gabonais attendaient toujours mercredi en fin de matinée matin de connaître le nom de leur président après une longue nuit de vains conciliabules à la commission électorale, qui s'est enfin réunie pour désigner le vainqueur: le chef de l'Etat sortant, Ali Bongo Ondimba, ou son rival, Jean Ping.

"Pourquoi s'amuse-t-on à se faire peur ? Il faut qu'on en finisse avec le suspense", enjoint mercredi le journal national l'Union, proche du pouvoir. Le quotidien reproduit en une l'appel à la retenue lancé la veille par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, à MM. Bongo et Ping, qui revendiquent tous deux la victoire.

Redoutant des troubles, les Gabonais vivent au ralenti dans l'attente de la proclamation du résultat final par le ministre de l'Intérieur, prévue à l'issue d'une réunion plénière de la commission électorale nationale (Cénap) en présence des délégués de MM. Ping et Bongo.

Your browser doesn’t support HTML5

Idriss Fall, envoyé spécial de VOA Afrique au Gabon, en direct dans notre édition de 5h30 T.U.

Dans le centre de Libreville, le dispositif policier et militaire reste important, et des barrages ont été réinstallés autour du siège de la présidence sur le front de mer, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les habitants sortent timidement, à pied le plus souvent, faute de taxis généralement très nombreux. Les commerces ouvrent leur rideau sans exclure de finir la journée plus tôt que prévu, comme la veille.

Habitués à la paix civile, les Gabonais se souviennent des troubles post-électoraux de 2009 dans la capitale économique Port-Gentil (morts, pillages, consulat de France incendié...).

Les délégués de MM. Bongo et Ping ont veillé toute la nuit au siège de la commission électorale, qui centralise les procès-verbaux d'une élection à un tour avec un peu plus de 628.000 inscrits.

Une centaine de partisans de Jean Ping ont dormi au siège de campagne de leur candidat en attendant les résultats officiels.

"Jusqu'à présent on a rien. C'est sûr que l'on est impatient mais on va rester là jusqu'à ce que l'on proclame ces résultats. On est déterminé", a affirmé à l'AFPTV une militante, Célestine.

Yannick, lui aussi, "attend juste la proclamation": "on sait déjà qui a gagné! Le coup de force ça a marché en 2009, mais là ça ne marche pas".

L'assemblée plénière, décisive pour désigner le vainqueur de l'élection, a commencé à 07H30 GMT en l'absence des observateurs de l'Union européenne, qui n'ont pas été autorisés à y assister.

Depuis mardi soir, les débats au sein de cette commission qui centralise les résultats butent sur une seule des neuf provinces: le Haut Ogooué, fief de l'ethnie Téké du président Bongo.

M. Bongo obtiendrait dans cette province 95,46% des suffrages, avec une participation de 99,93% pour 71.714 inscrits, d'après le procès-verbal qui doit servir de base au débat, auquel l'AFP a eu accès.

Les délégués de l'opposition au sein de la Cénap ont prévenu qu'ils n'accepteraient pas ces procès-verbaux: "On va se battre. On veut recompter bureau par bureau" dans le Haut-Ogooué, a expliqué l'un d'eux.

Bureau par bureau?

Ce score permettrait au président-candidat de remporter la victoire avec 49,80% sur l'ensemble des neuf provinces, contre 48,23% pour son rival Jean Ping, avec un taux de participation nationale de 59,46%, toujours selon ces documents provisoires.

Ce qui représente au niveau national une différence de 5.594 voix en faveur de M. Bongo devant M. Ping sur 627.805 électeurs inscrits au total.

Le président de la Cénap, René Aboghe Ella, a précisé que la loi n'autorise pas une proclamation bureau par bureau pour la présidentielle, comme l'avait également demandé la chef des la mission des observateurs européens Maryia Gabriel lundi, afin d'"assurer la confiance dans l'intégrité des résultats finaux et garantir qu'il reflète la volonté populaire".

Mardi, M. Ping, 73 ans, a répété qu'il se considérait vainqueur de cette élection. L'entourage du président Bongo évoquait également depuis samedi une "avance" qui lui garantirait la victoire.

Malgré l'appel du secrétaire des Nations unies, les invectives n'ont pas cessé.

Le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a dénoncé mardi"des ingérences multiples" au bénéfice de M. Ping, visant la France et un présumé proche du président ivoirien Alassane Ouattara, qui a été congédié par le pouvoir à Abidjan.

Ex-baron du régime du président Omar Bongo, opposant tardif après l'élection de son fils Ali en 2009, Jean Ping, 73 ans, prétend renverser la famille au pouvoir depuis 1967.

Ali Bongo, 57 ans, a défendu son bilan avec des "investissements sans précédent" et la diversification de l'économie, en promettant "l'égalité des chances" et de faire mieux pour le logement.

Avec AFP