Leur candidature n'a été validée par la commission électorale que quelques jours avant le début de la campagne, vendredi. Dotés de très peu de moyens financiers, ils n'ont que trois semaines pour se faire connaître.
Face à un parti au pouvoir hégémonique, la tâche semble insurmontable et une large victoire du président sortant est attendue. "L'élection est jouée", n'a d'ailleurs pas hésité à affirmer M. Kagame vendredi lors de son premier meeting.
La décision de lui laisser le pouvoir a déjà été prise en 2015 avec un référendum où environ 98% des Rwandais ont voté en faveur d'une modification de la Constitution lui permettant de se présenter pour un troisième mandat, a-t-il argué.
Pendant la nuit, des affiches aux couleurs du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir) ont été apposées, à temps pour le début de la campagne, alors que nombre de Rwandais admettent ne même pas savoir qui sont les autres candidats.
"Nous, la population, avons vécu très longtemps avec notre président, nous connaissons son bilan et on se fiche des autres candidats car on ne sait pas ce qu'ils ont fait", lance One Love Nkundimana, un porteur de marchandises de 28 ans.
M. Kagame est l'homme fort du Rwanda depuis qu'à la tête de sa rébellion du FPR il a renversé en juillet 1994 le régime hutu extrémiste qui avait déclenché trois mois plus tôt le génocide (environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi).
Vice-président et ministre de la Défense après 1994, il est élu président en 2003 et réélu en 2010, avec plus de 90% des voix à chaque fois.
- 'Parcours dangereux' -
Crédité d'avoir ramené la stabilité et relevé une économie exsangue après les massacres, il est toutefois accusé de ne laisser aucune place à l'opposition et de bâillonner la liberté d'expression.
"Beaucoup de gens sont fatigués d'avoir le même gouvernement depuis 23 ans, mais ils ne le disent pas parce qu'il y a un climat de peur", assure Frank Habineza, président de la seule formation d'opposition autorisée du pays, le Parti démocratique vert.
Depuis son petit bureau chichement meublé de Kigali, cet homme de 40 ans décrit "un parcours très difficile et aussi très dangereux" depuis la création de son parti en 2009.
En 2010, il avait tenté de prendre part à la précédente présidentielle, mais son parti n'avait pas reçu l'agrément des autorités.
En juillet de cette année-là, peu avant l'échéance électorale, le cadavre du vice-président du parti, presque entièrement décapité, avait été retrouvé dans un marais, poussant Frank Habineza à s'exiler en Suède.
Ce n'est qu'en 2013, après son retour au pays, qu'il a finalement pu enregistrer son parti, seule formation homologuée à s'opposer deux ans plus tard à la réforme controversée de la Constitution.
"Les gens doivent arrêter de penser qu'il n'y a que le parti au pouvoir (...) Nous devons nous sentir libres, nous exprimer sans crainte d'être expulsé de sa maison ou de perdre son travail", veut-il croire.
La tâche est tout aussi ardue pour Philippe Mpayimana: assis autour d'une table avec cinq de ses soutiens, l'ancien journaliste de 47 ans tente tant bien que mal d'organiser des meetings.
- Opposition 'de façade' -
"Nous n'avons qu'une semaine pour sensibiliser la population (et l'encourager) à nous soutenir financièrement", s'inquiète celui qui a passé 18 ans en exil, notamment en République démocratique du Congo.
Seul candidat indépendant dont la candidature a été validée par la Commission électorale (sur quatre aspirants), M. Mpayimana débute sa campagne sans affiches, faute de temps pour lancer les impressions.
S'il refuse de critiquer directement M. Kagame, il assure vouloir "changer les mentalités" et mettre le Rwanda sur le chemin de la démocratie.
Pour Robert Mugabe, un des rares journalistes rwandais ouvertement critique, ces candidats ne sont qu'une opposition "de façade" à destination de la communauté internationale.
"La véritable opposition, les gens avec une vraie voix, ne sont pas autorisés" à participer à l'élection, explique-t-il, en référence à ceux emprisonnés ou poussés à l'exil.
"Ce n'est pas une élection, mais un couronnement pour le président Kagame", poursuit-il.
Mais, tempère Christopher Kayumba, analyste politique rwandais, le chef de l'Etat demeure populaire car il est toujours perçu comme un garant de la stabilité. "Les souvenirs sont encore trop présents", assure-t-il.
"On peut dire que ce n'est pas une compétition, l'opposition sera battue. Cela ne fait aucun doute", concède-t-il cependant.
Avec AFP