Le "oui" au renforcement des pouvoirs d'Erdogan l'emporte

Une votante donne son vote dans un bureau à Istanbul, Turquie, le 16 avril 2017.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan semblait dimanche en passe d'obtenir un considérable renforcement de ses pouvoirs à l'issue d'un référendum où le "oui" devançait le "non", selon un comptage partiel des votes diffusé par les médias.

Après dépouillement des bulletins de vote dans 90% des urnes, le oui était en tête avec 52,7%, selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu citant des chiffres de la commission électorale.

Le "non" était très légèrement devant à Istanbul alors que le "oui" menait d'une courte tête dans la capitale Ankara. Les régions peuplées en majorité de Kurdes du sud-est ont massivement voté contre l'accroissement des prérogatives du chef de l'Etat.

Les bureaux du vote, où quelque 55,3 millions de Turcs étaient appelés à dire oui ou non à cette révision constitutionnelle, ont fermé à 17H00 heure locale (14H00 GMT) et le dépouillement des bulletins de vote a aussitôt commencé.

Il s'agit notamment de supprimer le poste de Premier ministre au profit d'un hyperprésident, alors que M. Erdogan est déjà accusé de dérive autoritaire par ses détracteurs.

"Si Dieu le veut, notre nation (...) s'avancera vers l'avenir ce soir en faisant le choix attendu", a déclaré ce dernier après avoir voté sur la rive asiatique d'Istanbul, accompagné de son épouse Emine, de l'une de leurs filles et de deux de leurs petits-enfants. Le président turc a eu droit à un bain de foule à la sortie du bureau de vote.

Si sa victoire devait se confirmer, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet, disposerait non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l'Etat jusqu'en 2029. Agé de 63 ans, il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d'être élu président.

Verdict du peuple 'respecté'

Le Premier ministre Binali Yildirim a assuré après avoir voté dans la ville d'Izmir (ouest) que "le verdict du peuple" serait "respecté", quelle que soit l'issue du scrutin.

"Aujourd'hui, c'est le destin de la Turquie qui est soumis au vote. Tous nos concitoyens vont se rendre aux urnes et voter d'une manière responsable", a pour sa part déclaré Kemal Kiliçdaroglu, le chef du CHP, le principal parti d'opposition, après avoir voté à Ankara.

Au cours d'un meeting samedi, M. Kiliçdaroglu avait comparé le système voulu par M. Erdogan à "un bus sans freins dont on ne connaît pas la destination".

"Bien entendu que je vote pour soutenir le président. Si on en est là où nous sommes aujourd'hui, c'est grâce à lui", a dit à l'AFP Emrah Yerlinkaya, rencontré dans un bureau de vote à Istanbul.

Hencer Senkom, un militaire à la retraite, n'a quant à lui pas mâché ses mots après avoir voté contre la révision constitutionnelle dans une école d'Ankara.

"Je suis contre ce gouvernement, car je connais sa vision du monde. Il y a eu des réformes entre 2002 et 2004 et on nous a dit que la Turquie allait adhérer à l'Union européenne et qu'elle allait mettre fin au terrorisme, mais rien de tout cela n'a été accompli", a-t-il expliqué.

Le gouvernement présente cette révision constitutionnelle comme indispensable pour assurer la stabilité du pays et lui permettre d'affronter les défis sécuritaires et économiques. Mais l'opposition dénonce la dérive autoritaire d'un homme qu'elle accuse de chercher à museler toute voix critique, surtout depuis le coup d'Etat avorté.

Si le texte était approuvé, "il enclencherait la restructuration la plus drastique des 94 ans d'histoire de la politique turque et de son système de gouvernance", selon un rapport signé par Sinan Ekim et Kemal Kirisci, du centre d'analyses Brookings Institution.

Campagne inéquitable

L'opposition et les ONG ont déploré une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du oui dans les rues et les médias.

La Turquie est par ailleurs sous état d'urgence depuis le putsch manqué. Quelque 47.000 personnes ont été arrêtées et plus de 100.000 limogées ou suspendues de leurs fonctions.

Le parti prokurde HDP a ainsi dû faire campagne avec ses deux coprésidents et nombre de ses élus en prison, accusés de liens avec l'organisation séparatiste Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

La sécurité occupe également une grande place dans l'organisation du scrutin, la Turquie ayant été frappée ces derniers mois par une vague sans précédent d'attaques meurtrières liées au groupe Etat islamique (EI) et à la rébellion kurde.

Quelque 380.000 policiers ont ainsi été déployés pour assurer le bon déroulement du scrutin, selon Anadolu.

Les opérations de vote se sont déroulées sans incident majeur.

Avec AFP