Un peu plus de deux mois après l’occupation des places publiques en Espagne par les soi-disant “indignados” (les indignés) protestant contre la hausse du taux de chômage et la corruption, selon eux, de l’appareil gouvernemental, ils ont maintenant une nouvelle cible: les banques.
L’Espagne est l’un des pays où les lois régissant les banques sont les plus strictes. De l’avis des protestataires, ces lois contribuent à l’endettement démesuré de ceux qui reçoivent des prêts hypothécaires. Alors, ils sont descendus dans la rue pour exiger des changements.
En Mai 2011, ils ont investi la Place centrale à Madrid. Aujourd’hui, c’est aux banques qu’ils s’en prennent. La raison est la suivante: en Espagne, si une banque vous impose une saisie immobilière, vous êtes encore responsable de l’hypothèque. Bref, ceux qui ont perdu leur maison de cette façon, sont contraints de rembourser, également, des sommes énormes. 300-mille Espagnols ont fait cette douloureuse expérience, depuis l’éclatement de la bulle du marché du logement en 2008.
Pour des manifestants comme Susana Garcia, c’en est trop : “C’est très honteux, car les gens n’ont pas de maison, et ils ont en plus une dette énorme pour le reste de leur vie. C’est comme un crime—ça, c’est du terrorisme d’Etat.”
Alors, la méthode choisie par Garcia et ses co-protestataires est la suivante: ils s’informent de l’adresse où se fera le prochain déguerpissement forcé, se rendent sur les lieux, forment souvent une chaine humaine autour de la propriété et, ainsi, bloquent l’accès des responsables bancaires venus déposer l’avis de saisie judiciaire.
“Honte, honte à vous!” scandent ces manifestants à l’endroit des agents des banques essayant d’évincer les propriétaires en cessation de paiement. Ils font également circuler une pétition demandant au gouvernement espagnol de changer les lois locales sur les prêts hypothécaires. “Demandez l’effacement de cette dette. Que la banque garde la maison! Laissez-moi vivre sans rien du tout, mais au moins pas avec une dette de 100-mille euros ou dollars,” déclare Susana Garcia.
Le public espagnol, qui fait face à un taux de chômage de plus de 20%, ne décolère pas contre les banques qui, contrairement aux banques américaines par exemple, se portent particulièrement bien. Jesus Encinar est le fondateur et PDG de Idealista, le plus grand site Internet en Espagne consacré au secteur immobilier. Il nous dit qu’ “en Espagne, les banques n’ont pas eu besoin d’intervention financière du gouvernement pour continuer à fonctionner. En réalité, les banques espagnoles sont restées très profitables” durant cette période de crise.
Quand le peuple se fâche dans un pays où les élections arrivent dans quelques mois, l’état se montre souvent plus réceptif. Au début de juillet, Madrid a révisé certaines règlementations sur le calcul de la dette des propriétaires en cessation de paiement, et sur le montant qu’une banque peut prélever du salaire d’un débiteur. Pas suffisant, disent les protestataires, puisque les évictions se poursuivent à un rythme d’environ 300 par jour à travers l’Espagne.
Ils ont aussi des griefs à l’encontre de tout le système économique européen, et certains d’entre eux ont quitté Madrid mardi pour se rendre à Bruxelles, en Belgique, afin d’exprimer leurs points de vue à ce niveau.