Syrie : les négociations de Genève ont démarré mais restent très fragiles

Staffan de Mistura, médiateur de l'ONU pour la Syrie, lors d'une conférence de presse le 1er février 2016. (REUTERS/Denis Balibouse)

Damas a fait un geste en donnant son accord de principe à l'envoi de convois humanitaires dans la ville assiégée de Madaya, mais l'opposition insiste sur "l'application totale" de ses demandes.

L'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura poursuit mardi sa délicate mission d'intermédiaire entre les ennemis syriens, en espérant des progrès humanitaires concrets sur le terrain pour consolider le processus de negociations, officiellement lancé.

Depuis vendredi, le diplomate onusien a gagné une première manche en amenant les délégations des deux belligérants à venir discuter avec lui dans le cadre solennel du Palais des Nations de Genève. Il recevait mardi matin pour la deuxième fois la délégation de Damas, avant un nouveau rendez-vous avec l'opposition dans l'après-midi.

Toutefois, le processus, qui vise à engager les deux parties dans des discussions en vue d'une solution politique en Syrie, reste extrêmement fragile et soumis à l'annonce de gestes concrets. Après avoir rencontré lundi M. de Mistura pendant deux heures, la délégation de l'opposition syrienne a dit avoir reçu de l'ONU des "messages très positifs", mais a réitéré ses exigences de mesures humanitaires.

"Trois questions sont importantes pour nous, la levée des sièges, la libération de détenus, et l'arrêt des attaques contre les civils par les bombardiers russes (alliés de Damas) et par le régime", a égrené un porte-parole de l'opposition, Salem al-Meslet, précisant que celle-ci attendait la réponse du régime.

Quelques heures après la fin de la rencontre, l'ONU annonçait que Damas avait donné son accord de principe à l'envoi de convois humanitaires dans la ville assiégée de Madaya, près de Damas, où 46 personnes sont mortes de faim depuis décembre, et dans deux autres villes, Kafraya et Foua, qui sont elles assiégées par les rebelles.

Mais ce geste ne suffira probablement pas à convaincre une opposition extrêmement méfiante et déterminée à obtenir le maximum alors que la situation des civils en Syrie, bombardés, affamés, est chaque jour plus catastrophique.

"Le régime a fait un petit signe. Mais le problème est beaucoup plus vaste que ça et nous allons insister sur l'application totale de nos demandes", a déclaré mardi matin à l'AFP un porte-parole de l'opposition, Monzer Makhous.

Si l'arrêt à court terme des bombardements semble irréalisable, travailler en vue de la libération de civils, femmes et enfants, "serait un premier signal que quelque chose de différent est en train de se produire", a estimé M. de Mistura.

L'opposition a commencé à dresser des listes de noms de détenus, ont indiqué plusieurs de ses membres au cours des jours précédents.

Six mois de discussions prévus

"Nous écoutons avec attention les préoccupations du HCN, et nous allons écouter les préoccupations du gouvernement", a fait valoir M. de Mistura.

La délégation de Damas, menée par l'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar al-Jaafari, a déjà accusé la partie adverse de ne pas être "sérieuse" et de comprendre des "terroristes" en son sein.

Dans son collimateur, Mohammed Allouche, le négociateur en chef de l'opposition, arrivé lundi à Genève. Ce dernier est membre du bureau politique du groupe armé rebelle Jaïch al-Islam (l'Armée de l'Islam), un mouvement d'inspiration salafiste soutenu par l'Arabie Saoudite, et que le régime de Damas qualifie de "terroriste".

Les discussions intersyriennes, dont le cadre a été fixé par une résolution de l'ONU en décembre, visent à mettre en place une autorité de transition avant l'organisation d'élections à la mi-2017.

L'émissaire de l'ONU, qui prévoit des discussions "difficiles et compliquées", veut instaurer un dialogue indirect entre les deux camps, avec des émissaires chargés de faire la navette, et a déjà annoncé que les discussions étaient prévues pour durer six mois.

Pour pousser le processus, un grand nombre de diplomates des principaux pays impliqués directement ou indirectement en Syrie sont présents à Genève.

La communauté internationale cherche une issue négociée à la guerre en Syrie qui, depuis mars 2011, a fait plus de 260.000 morts et poussé des millions de personnes à quitter leur foyer.

Une conférence des donateurs est prévue jeudi à Londres pour tenter de réunir neuf milliards de dollars en faveur des 13,5 millions de personnes en situation de vulnérabilité en Syrie et aux 4,2 millions de réfugiés. L'an dernier, l'ONU et ses agences avaient réclamé 8,4 milliards de dollars pour les Syriens mais n'en avait reçu que 3,3 milliards.

AFP