Escalade verbale entre Ankara et Téhéran sur la Syrie

Hüseyin Müftüoglu, porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères.

La Turquie a appelé mardi l'Iran à "réévaluer sa politique régionale", poursuivant une guerre des mots entre ces deux acteurs incontournables du conflit syrien qui s'accusent mutuellement de déstabiliser le Proche-Orient.

Après plusieurs jours d'échanges acerbes, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a accusé l'Iran de "ne pas hésiter à renvoyer dans des zones de guerre des gens venus trouver refuge".

"L'Iran devrait (...) réévaluer sa politique régionale", a ajouté Hüseyin Müftüoglu dans un communiqué publié mardi sur le site du ministère.

Rivaux historiques, Ankara et Téhéran ont développé ces derniers mois une coopération fondée sur le pragmatisme, parrainant ainsi, avec Moscou, une trêve qui, malgré des violations répétées, a permis de réduire l'intensité des combats en Syrie.

Mais la Syrie cristallise les dissensions qui continuent de diviser l'Iran, poids lourd chiite qui soutient le président Bachar al-Assad, et la Turquie, majoritairement sunnite, qui soutient des groupes de l'opposition.

Au cours du week-end, le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a accusé l'Iran de vouloir "transformer la Syrie et l'Irak en (pays) chiites".

Quelques jours plus tôt, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait évoqué, lors d'une tournée dans plusieurs pays du Golfe, le danger du "nationalisme persan".

En réaction à ces déclarations, Téhéran a convoqué lundi l'ambassadeur de Turquie pour lui transmettre la "protestation de l'Iran".

"Notre patience a des limites", avait déclaré peu avant le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi, qui a dénoncé des "propos non constructifs".

Ces échanges surviennent à quelques jours de négociations intersyriennes qui débutent jeudi à Genève pour tenter de trouver une solution à une guerre qui a fait plus de 310.000 morts et jeté des millions de Syriens sur les routes depuis 2011.

La Turquie et l'Iran ont tous deux des troupes au sol en Syrie et les observateurs estiment qu'une solution politique est difficilement envisageable sans un minimum d'entente entre les deux pays.

Les deux pays sont également en désaccord au sujet de l'Irak, où Ankara voit d'un mauvais oeil la participation de milices chiites soutenues par Téhéran à l'offensive pour reprendre Mossoul, bastion des jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

"Il est très dangereux de faire entrer des milices chiites dans une ville dont la population est à 99% arabe et sunnite", a déclaré mardi M. Cavusoglu.

Pour Ali Vaez, analyste au sein du groupe International Crisis Group, les deux pays voient l'autre comme une puissance qui tente d'élargir son influence régionale par l'intermédiaire de groupes locaux en Syrie et en Irak.

"A terme, la Turquie et l'Iran devront vivre avec les conséquences des conflits qui font rage autour d'eux", souligne M. Vaez. "Toute solution durable nécessitera un équilibre régional acceptable pour les deux" pays, ajoute-t-il.

Avec AFP