Réalisée par l'artiste Chimère Ndiaw, la fresque colorée, réalisée à l'aérosol, montre le visage de Sékou Touré entouré d'autres leaders africains comme le Ghanéen Kwame Nkrumah ou de l'ex-président burkinabè Thomas Sankara.
Elle a été dessinée sur le pont où quatre hauts responsables de l'Etat dirigé par Sékou Touré (1958-1984), accusé de comploter contre le régime, ont été exécutés au petit matin le 25 janvier 1971.
Situé dans le quartier administratif de Kaloum, dont la maire, Aminata Touré est la fille de l'ancien président, ce pont est devenu un lieu de mémoire pour les quelque 50.000 personnes torturées, fusillées, pendues ou qui "disparu" en détention pendant la présidence de Sékou Touré, selon des associations de victimes et des organisations de défense des droits de l'Homme.
"C'est une insulte à la société guinéenne, une honte nationale, mais aussi une bêtise humaine que de voir cette caricature du tyran Sékou sur ce pont", a déclaré à l'AFP Amadou Tounkara, dont le père a été tué dans le tristement célèbre camp Boiro, en banlieue de Conakry. "Cette effigie doit disparaître si l'Etat veut la paix dans ce pays", a-t-il ajouté, très en colère.
"Je n'emprunte plus cette trajectoire pour ne pas avoir de malaise en voyant cette gravure où mon frère a été pendu par celui qui m'a jeté en prison pendant huit ans pour rien", explique pour sa part un ancien prisonnier du camp Boiro.
Lors des célébrations du 60e anniversaire de l'indépendance du pays en octobre, l'actuel président, Alpha Condé, avait rendu un "hommage particulier" à son prédécesseur.
Il "a géré nos premières années d'existence étatique dans le difficile contexte de la décolonisation et de la Guerre froide", avait souligné M. Condé, en insistant sur la nécessité de la "réconciliation nationale".
"Nous devons être fiers de ces symboles-là, qui ont incarnés notre indépendance. Le président Ahmed Sékou Touré et tous ses compagnons", soutient Soninké Diané, membre d'un mouvement favorable à l'ex-président, avant de s'interroger: "Si mon père avait été pendu, est-ce que j'aurais les mêmes réactions?".
L'auteur de la fresque, qui affirme avoir reçu l'autorisation des autorités locales pour mettre en oeuvre un projet vieux de trois ans, dit regretter la polémique.
"Mon objectif était d'embellir la capitale guinéenne. Je suis un artiste peintre, pas un politicien, et je ne savais pas que mon œuvre allait susciter autant de réactions, surtout de rejets", a expliqué Chimère Ndiaw.
La Guinée, ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, a été dirigée jusqu'à l'arrivée au pouvoir en 2010 de l'ancien opposant Alpha Condé par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux.