La campagne nationale de communication contre les discours haineux et xénophobes s’étend sur trois mois. Elle est pilotée par la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.
"Les discours de haine et xénophobes fragilisent l’unité nationale, le vivre ensemble, la cohésion sociale, ils structurent les replis identitaires et concourent au dénigrement et au rejet de l’autre", a déploré Peter Mafany Musongue, président de ladite commission au cours d’une conférence de presse.
Au Cameroun, les sujets d’actualités politique, sportive ou culturelle virent très souvent aux insultes et au dénigrement de certains groupes ethniques.
Des journalistes s’y trouvent parfois impliqués comme lors de la récente affaire du contrôle de l’exécutif à la fédération camerounaise de football.
"Les acteurs des médias ont outrepassé leur rôle qui était d’informer et d’analyser la situation, les Unes de certains journaux étaient ronflantes, le camp opposé était traité de tous les noms d’oiseaux", fait remarquer Armand Boyomo, de Zen Radio à Sangmélima au sud du Cameroun.
L’amalgame
Pour Ernesto Yene, coordonnateur de Citizen’s initiatives, une organisation de la société civile camerounaise qui œuvre pour la transformation sociale et le changement de comportement, "on glisse très facilement au Cameroun dans l’invective tribale, dans l’insulte ethnique pour accuser un individu ou un groupe d’individus".
La commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme a prévu organiser dans le cadre de cette campagne, des caravanes de sensibilisation des populations à une meilleure utilisation des réseaux sociaux.
"On peut appartenir à une tribu X et n’avoir rien à faire avec ce que certaines personnes de cette tribu-là font dans la gestion des affaires publiques", soutient Ernesto Yene.
Eviter la guerre tribale
Le ministre de l’administration territoriale a par ailleurs servi une sévère mise en garde à certains médias locaux qui d’après lui s’apparentent à radio mille collines, en référence à la une radio qui avait incité à la haine raciale au Rwanda lors du génocide de 1994.
"Le Cameroun n’a pas besoin d’une radio mille collines, les médias n’ont pas pour vocation de jeter de l’huile sur le feu, en matière de droit, le voleur et le receleur sont tous condamnables, à bon entendeur salut", a déclaré Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale.
Depuis deux ans le gouvernement a également pénalisé les infractions sur l’outrage à la tribu ou à l’ethnie.
"La loi de 2016 n’avait pas légiféré en la matière, celle de 2019 est venue donc corriger en son article 241 nouveau intitulé outrage à la tribu ou à l’ethnie, dispose est puni d’un emprisonnement de un à deux ans, d’une amende de 300.000 à 3.000.000 celui qui par quelque moyen que ce soit tient des discours de haine ou procède à l’incitation des violences contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique", rappelle Maitre Pèlerine Tchatat Avocate au barreau du Cameroun.
La tenue d’un colloque national est l’une des activités phares de la campagne contre les discours haineux et xénophobes au Cameroun. "La campagne ne prévoit pas des sanctions, elle n’est non plus un moyen de restriction de la liberté d’expression des camerounais", a précisé M. Mafany Musongue.