Face à son principal rival Jean Ping, 73 ans, le président sortant Ali Bongo Ondimba, 57 ans, a sorti les grands moyens et joue la carte de la rupture avec l'ancien régime de son père Omar Bongo, resté 41 ans au pouvoir.
Pour orchestrer sa communication, le président s'est offert les services du géant mondial de la publicité WPP, qui a dépêché de Londres une batterie de conseillers.
Sur chaque réverbère, chaque pont, chaque panneau d'affichage publicitaire (ou presque) de la capitale, on ne voit que lui: ici Ali Bongo souriant sur un grand fond azur, là le président embrassant une vieille "maman" émue.
"Le changement, c'est moi!", "la fin des privilèges indus" aussi, ne cesse de promettre Ali Bongo, qui affrontera 10 candidats le 27 août, dont certains ont longtemps été aux affaires du temps de Bongo père - à l'instar de Jean Ping, plusieurs fois ministre.
Il faut parcourir longtemps les artères librevilloises pour trouver le nom d'un autre candidat. Le visage de l'ex-président de la Commission de l'Union africaine ne surgit qu'à de très rares occasions, le plus souvent sur de petite affiches collées sur des murs défraichis.
Débauche de moyens
"Ali Bongo finance sa campagne avec les moyens de l'Etat, même l'éclairage public lui sert de support", accuse David Mbadinga, chargé de campagne de Jean Ping. En revanche, enrage-t-il, "aucun espace n'a été réservé" pour les autres candidats car "il a tout accaparé".
L'hebdomadaire d'opposition Echos du Nord avance la somme de "plus de 30 milliards de FCFA" (45,7 millions d'euros) injectée pour la seule campagne publicitaire du président. Une assertion difficile à vérifier.
Selon la presse locale, après son élection en 2009, Ali Bongo avait fait enlever tous les panneaux d'affichage qui appartenaient à une société du principal opposant André Mba Obame, décédé depuis.
Le clan Ping accuse aujourd'hui le président de les avoir remplacés "par ses propres panneaux", des structures flambant neuves installées récemment, ce que dément l'entourage d'Ali Bongo.
"Ces panneaux appartiennent à des opérateurs privés - comme le Français JC Decaux - que nous avons contactés il y a déjà plusieurs mois. Nous les avons loués, mais tout le monde pouvait y accéder", rétorque son porte-parole Alain-Claude Bilie By Nze, interrogé par l'AFP.
Ces derniers jours, plusieurs candidats ont dénoncé les refus de préfets ou maires "sous influence du PDG" (parti au pouvoir) de mettre à disposition des stades ou des places publiques pour tenir leurs meetings.
"Je suis obligé d'organiser mes meetings chez l'habitant", affirme Pierre Claver Maganga Moussavou, candidat du Parti social-démocrate (PSD), qui dit faire campagne "en voiture" à l'intérieur du pays quand d'autres "se pavanent" en hélicoptère (Bongo) ou en jet privé (Ping).
Télévisions contre télévision
Dans cette bataille de l'image, les principales télévisions gabonaises relaient abondamment le moindre déplacement du président quand ses adversaires ne sont mentionnés qu'en fin de journal.
Qu'importe, Jean Ping multiplie les plateaux de télévisions panafricaines et vient de lancer sa propre chaîne, Life Africa TV.
Ces tribunes respectives, tout comme les réseaux sociaux, sont devenus le théâtre d'invectives et injures.
Les détracteurs du chef de l'Etat dénoncent l'influence de son entourage, "un tout petit clan qui contrôle ostensiblement tous les rouages du pouvoir" et accusent le président d'être un "imposteur" se faisant passer pour le fils naturel d'Omar Bongo alors qu'il a été, selon eux, adopté au Nigeria dans les années 60.
En retour, le quotidien gabonais l'Union n'hésite pas à surnommer Jean Ping (métis sino-gabonais) "le bridé d'Etimboué" ou le "Chinetoque" dans ses billets d'humeur.
Gabon Télévision et Gabon 24 étalent aussi depuis des semaines les détails d'une sulfureuse affaire de rétro-commissions - révélée par Mediapart - impliquant le fils aîné de Jean Ping dans l'attribution de chantiers d'infrastructures à un groupe chinois.
Et alors que les deux camps s'accusent mutuellement "d'incitation à la haine", les Gabonais, eux, commencent à craindre des violences après le scrutin.
Avec AFP