Une loi interdit des partis "non représentatifs" à Brazzaville

L'opposant Mathias Dzon devant un rassemblement à Brazzaville, le 14 juin 2015.

Au Congo, le gouvernement annonce la reconnaissance de 55 partis politiques sur les 200 qui existent dans le pays. Sur la liste des partis qui sont appelés à disparaître, au terme de cette nouvelle loi, nombreux appartiennent à des figures de l’opposition comme Claudine Munari ou Mathias Dzon.

C’est dans une salle comble de responsables des partis politiques que le ministre de l’Intérieur, Raymond Zephyrin Mboulou, annonce l’application de la loi de 2017, interdisant toute formation politique n’ayant pas de représentation sur l’ensemble du pays, et n’ayant pas obtenu d'élus aux dernières élections.

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Reportage de Arsène Séverin, correspondant à Brazzaville pour VOA Afrique

"A la date d’aujourd’hui, nous en reconnaissons 49. Le processus ne s’arrête pas tant que les gens veulent créer leurs partis, mais il faut se conformer à la loi de 2017", déclare Raymond Mboulou.

De leur côté, les partis de l’opposition se sentent visés par cette mesure. Clément Mierassa, dont le parti a boycotté les dernières consultations électorales, manifeste son mécontentement.

Clément Mierassa à Brazzaville, le 12 juin 2018.(VOA/Arsène Séverin)

"J’espère que le ministre de l’Intérieur a été à l’écoute de ce qui lui a été dit : la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif, et les choses sont claires", dénonce Clément Mierassa.

"Ça veut dire qu’il y a un plan caché, en espérant faire disparaître un certain nombre de partis. Dans tous les cas, nous l’avons bien signifié, nous ne sommes pas concernés par cette loi, dans tous les cas, moi cela ne me surprend pas".

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Eric Mampouya à Brazzaville, le 12 juin 2018.(VOA/Arsène Séverin)

Pour Eric Mampouya de la Fédération de l’opposition congolaise, cette nouvelle disposition rétrécit l’espace de la démocratie dans le pays.

"Le Congo est occupé par un régime qui se maintient par la force. Nous, en tant que partis ou mouvements, nous n’allons plus exister, d’accord. Mais, nous avons connu dans ce pays le marxisme et cela n’empêchait pas les mouvements religieux Ngunza de fonctionner et les matsouanistes de se réunir", souligne-t-il.

"Nous sommes frappés d’interdiction, nous allons rentrer dans la clandestinité, on ne peut pas nous empêcher de rêver d’un autre Congo", envisage l’opposant.

Reconnaissant la rigueur de la loi, le président du Parti des républicains, Paul Marie Mpouele, lui aussi opposant, estime qu’il faut se régulariser pour continuer d’exister.

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L'opposant Paul Marie Mpouele à Brazzaville, le 12 juin 2018.(VOA/Arsène Séverin)

"Nous allons régulariser notre situation, nous avons une différence à promouvoir et nous allons nous battre pour cela. C’est une loi bien qu’ayant quelques imperfections, mais c’est une loi, sauf qu’elle va s’appliquer au très mauvais moment", concède Mpouele.

La société civile analyse avec beaucoup de circonspection cette nouvelle loi sur les partis politiques.

Roch Euloge N’zobo est le responsable du Cercle pour les droits de l’homme et le développement (CDHD). Il parle d’un vice juridique

Roch Euloge Nzobo à Brazzaville, le 12 juin 2018.(VOA/Arsène Séverin)

"En réalité, ce n’est pas au ministre de l’Intérieur de faire cette déclaration. Il y a une loi qui existe, et la justice devait être saisie pour justement statuer sur la légalité ou l’illégalité des partis", affirme l’activiste des droits de l’homme.

"Mais pourquoi c’est le ministre de l’Intérieur qui vient l’annoncer ? Nous sommes là en face encore d’une action politique qui tend à restreindre les libertés d’expression au niveau des partis politiques".

Sur la liste des 55 partis reconnus le 12 juin par le gouvernement, il n’y a pas les formations des opposants comme Claudine Munari, Mathias Dzon, Blanchard Oba ou Christophe Moukoueke.