Venezuela: Washington veut un vote de l'ONU, veto russe attendu

Le Représentant spécial des États-Unis pour le Venezuela, Elliott Abrams, pointant du doigt l'ambassadeur de la Russie lors d'un échange vif au Conseil de sécurité des Nations Unies, au siège de l'ONU, le 26 février 2019.

Les Etats-Unis, soutien de l'opposant Juan Guaido, vont demander cette semaine un vote du Conseil de sécurité sur une résolution portant sur le Venezuela, auquel la Russie, qui défend le président Nicolas Maduro, devrait vraisemblablement opposer son veto.

"Nous aurons (un vote sur) une résolution cette semaine qui appellera à permettre l'entrée d'une aide humanitaire au Venezuela", a déclaré mardi à des journalistes l'émissaire américain pour le Venezuela, Elliott Abrams, avant une réunion du Conseil de sécurité demandée par Washington.

La Russie dénonce depuis le début de la crise l'ingérence occidentale et singulièrement des Etats-Unis dans des affaires "internes" au Venezuela qui connait une grave crise économique. Elle juge que la volonté américaine d'y acheminer de l'aide humanitaire cache une volonté de renverser par la force Nicolas Maduro.

Evoquant "une moquerie du droit constitutionnel", l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a plaidé pour le respect de la "souveraineté" du Venezuela, accusant Washington de vouloir "alimenter de force" le peuple vénézuélien, "une torture pratiquée à Guantanamo".

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Le chef de la diplomatie du Venezuela, Jorge Arreaza, photos de présumés insurgés à la main, a dénoncé "une violation" de l'intégrité territoriale de son pays le week-end dernier. Il a assuré que les camions censés apporter de l'aide contenaient en réalité du matériel (clous, barbelés...) pour construire des barricades. "Le coup d'Etat a échoué", a-t-il martelé.

Juan Guaido, qui s'est autoproclamé président par intérim le 23 janvier, avait rejoint vendredi Cucuta, en Colombie, pour diriger le lendemain l'entrée dans son pays de tonnes d'aliments et de médicaments, envoyés essentiellement des Etats-Unis à sa demande.

Les camions chargés de ces produits de première nécessité, destinés à pallier de graves pénuries, avaient dû rebrousser chemin samedi, face au blocage frontalier ordonné par le gouvernement et qui a dégénéré. Au moins quatre personnes ont été tuées et plusieurs centaines blessées, lors de heurts aux frontières de la Colombie et du Brésil, où une autre partie de l'aide est stockée.

- "Ingérences" -

Depuis début février, deux projets de résolution rivaux sur le Venezuela, l'un porté par les Etats-Unis, l'autre par la Russie, sont en concurrence au Conseil de sécurité.

Le texte de Washington appelle à faciliter une aide humanitaire internationale et à organiser un scrutin présidentiel. Il est menacé d'un veto de la Russie et même éventuellement de la Chine, qui a réaffirmé mardi son opposition aux "ingérences dans les affaires intérieures" du Venezuela.

De son côté, le projet de résolution russe dénonce les menaces de recourir à la force contre Caracas, agitées régulièrement par les Etats-Unis.

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Dans une déclaration diffusée au début de la réunion du Conseil de sécurité - la deuxième en deux mois demandée par Washington -, les membres européens de cette instance ont réclamé "le retour à la démocratie via des élections présidentielles libres, transparentes et crédibles".

Il faut "permettre à l'aide humanitaire d'entrer dans le pays", ont ajouté ces pays (Royaume-Uni, Allemagne, France, Belgique, Pologne).

Juan Guaido est soutenu par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis, le Brésil, la Colombie et une majorité des membres de l'Union européenne dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Dans le monde, Nicolas Maduro est appuyé par un nombre équivalent de pays, dont la Russie, la Chine, l'Iran, la Corée du Nord, la Syrie ou Cuba.

- Président exilé ?

Bien qu'il risque d'être arrêté pour avoir violé une interdiction judiciaire de sortir du territoire, l'opposant a affirmé mardi à Bogota qu'il rentrerait dans son pays.

"Un prisonnier ne sert à personne, un président exilé non plus. Nous sommes dans une situation inédite (...) Ma fonction et mon devoir, c'est d'être à Caracas en dépit des risques, en dépit de ce que cela implique", a-t-il déclaré dans une interview diffusée mardi par la chaîne NTN24.

Le chef du parlement vénézuélien, dominé par l'opposition au président Maduro, a participé lundi à Bogota à une réunion du Groupe de Lima, composé de 13 pays latino-américaines et du Canada, qui s'est engagé à accentuer la pression pour contraindre le dirigeant chaviste à quitter le pouvoir, mais a écarté l'usage de la force.

Le Groupe de Lima et les adversaires de Nicolas Maduro, qui a succédé en 2013 au défunt président Hugo Chavez, jugent sa réélection frauduleuse et n'ont pas reconnu son mandat entamé le 10 janvier.

Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole du monde, mais est asphyxié par une profonde crise économique et se trouve sous le coup de sanctions financières des Etats-Unis. Plus de 2,3 millions de Vénézuéliens (7% de la population) ont fui le pays depuis 2015, selon l'ONU.

Avec AFP