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Les supermarchés Nakumatt dans la tourmente en Afrique de l'Est


Dans un supermarché Nakumatt, à Nairobi, Kenya, le 18 juillet 2014.
Dans un supermarché Nakumatt, à Nairobi, Kenya, le 18 juillet 2014.

Le rayon boucherie fermé, une seule marque de shampoing sur plusieurs mètres de rayonnages et pas de papier toilette en stock. Ces dernières semaines, dans les supermarchés Nakumatt de Nairobi, faire ses courses revient le plus souvent à cocher sur sa liste ce qu'on n'a pas trouvé.

Au point que le plus connu des dessinateurs de presse du pays, Gado, détournait récemment le slogan de la plus grande enseigne de distribution d'Afrique de l'Est dans un de ses croquis: "Vous cherchez quelque chose? Nous ne l'avons pas".

Problèmes de gouvernance, course malavisée aux mètres carrés et concurrence accrue sont au nombre des explications de la chute vertigineuse de cette success story kényane, une des marques les plus connues du pays, et dont le secteur ignore si elle survivra.

Car la saga Nakumatt tient du conte de fée dans un pays où l'entrepreneuriat est érigé en vertu cardinale.

Il était une fois en 1979 un père et ses deux fils, issus de la communauté indienne du Kenya, qui après avoir essuyé une première banqueroute (le père), lancèrent à Nakuru, dans la Vallée du Rift au Kenya, leur magasin de matelas "Nakuru Mattresses", dont la contraction a donné son nom au groupe actuel.

Les affaires sont florissantes et au milieu des années 80, ils ouvrent leur premier magasin à Nairobi. Trente ans plus tard, et malgré les difficultés actuelles, le groupe emploie 7.000 personnes et compte 45 magasins au Kenya, huit en Ouganda, trois au Rwanda et cinq en Tanzanie. Nakumatt se targue d'un chiffre d'affaires annuel de 600 millions de dollars.

'Une tempête parfaite'

Comment Nakumatt en est-il arrivé au point où certains de ses fournisseurs exigent aujourd'hui d'être payés comptant, "au cul du camion", sous peine de ne pas décharger leur marchandise?

"C'est ce que j'appelle une tempête parfaite", explique Andrew Dixon, un ancien du groupe britannique Tesco récemment appelé à la rescousse pour prendre la direction marketing. Et répondre à la presse.

En substance, M. Dixon identifie trois explications. La première tient aux circonstances exceptionnelles. Où comment le groupe perd en septembre 2013 son navire amiral (10% du chiffre d'affaires de l'époque, selon M. Dixon) dans la terrible attaque jihadiste du centre commercial Westgate à Nairobi (au moins 67 morts).

La deuxième raison tient, selon M. Dixon, à une croissance kényane moins importante que celle anticipée par le groupe dans ses projets de développement. Enfin, "il y a eu une prolifération de centres commerciaux, notamment ici à Nairobi".

D'autres sources parmi la concurrence évoquent également le rachat fin 2016 des parts d'un actionnaire minoritaire du groupe, John Harun Mwau, pour une somme évaluée par la presse kényane à l'époque à 30 millions de dollars, de quoi là aussi affecter la trésorerie.

En 2011, l'administration américaine avait gelé les avoirs de M. Mwau aux Etats-Unis, le soupçonnant publiquement d'implication dans un trafic de drogue, ce que M. Mwau a toujours nié. La réputation sulfureuse de l'homme d'affaires et politicien entravait semble-t-il les efforts actuels du groupe pour trouver un nouvel investisseur capable d'injecter au bas mot 75 millions de dollars.

Mastodontes en embuscade

Car le temps presse: les fournisseurs, qui doivent à Nakumatt de longues années de prospérité sur fond de montée en puissance d'une classe moyenne kényane avide de consommation, ne sont pas les seuls à avoir perdu patience. Les propriétaires de "malls" voient la facture des loyers impayés par Nakumatt s'alourdir de mois en mois.

Au point que ceux du Thika Road Mall, en périphérie nord de Nairobi, ont début juillet fait une descente dans "leur" Nakumatt, saisi quatre camions, 400 caddies, des téléviseurs et autres réfrigérateurs dans l'intention de les vendre aux enchères pour récupérer une partie de leurs impayés, 51 millions de shillings selon eux (environ 420.000 euros).

Pour le directeur général de la société d'étude de marché Sagaci, Julien Garcier, l'éventuelle injection d'argent frais devra s'accompagner d'un apport de compétences extérieures et d'innovations.

"Oui, ils existent depuis longtemps mais malgré tout, c'est une famille qui a monté ce groupe et ils se retrouvent confrontés à une montée assez soudaine de la concurrence et le fait de manquer de savoir-faire leur fait faire des erreurs coûteuses", explique M. Garcier.

Outre les autres chaînes de distribution kényanes telles Tuskys, Chandarana ou Naivas, deux mastodontes de la distribution mondiale, WalMart et Carrefour, viennent de faire leur apparition sur le marché kényan, accentuant la concurrence.

En 2015, lors de l'ouverture du supermarché Game (WalMart), une télévision locale avait rencontré dans les allées bondées le patron de Nakumatt, Atul Shah, qui confessait, dans ce qui résonne aujourd'hui comme un aveu d'impuissance face à la rapide évolution du marché de la distribution au Kenya: "Ma plus grande préoccupation, c'est: +Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait?+ Nous sommes toujours à la recherche d'idées nouvelles".

Avec AFP

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