Chaque année depuis sept ans, une centaine de jeunes Togolaises acceptent de se prêter à un test de virginité pour prendre part à ce concours, organisé par l'Association des volontaires pour la promotion des jeunes (AV-Jeunes).
La gagnante du "Trophée vierges" et ses dauphines, trois "princesses vierges" représentant les universités, lycées et collèges du pays, ont pour mission de faire le tour dejhls établissements scolaires pour prôner l'abstinence sexuelle.
Pascaline, qui a 21 ans, est étudiante en troisième année de Sciences Techniques et Animation socio-éducative. "Les études d'abord et le sexe après, car on ne court pas deux lièvres à la fois", conseille-t-elle aux élèves lors d'une intervention dans le complexe scolaire Payarama de Lomé.
"Notre action vise surtout à réduire les grossesses précoces et les nouvelles infections en matière de VIH/Sida", explique Rodrigue Akolly, le président de l'AV-jeunes.
Pour participer au concours, il faut avoir entre 16 et 24 ans.
"Les candidates nous contactent soit par SMS, soit par Facebook. Une fois le contact établi, nous rencontrons leurs parents, afin de leur expliquer le but du concours. Certains parents sont réticents, mais la plupart apprécient notre démarche et nous encouragent", poursuit M. Akolly.
Ce qui fait hésiter les parents, c'est sans doute surtout le test de virginité, épreuve clé du concours, effectué par un collège de gynécologues à peine 48 heures avant le sacre.
Lors de la grande finale, relayée par les médias et très suivie dans les foyers togolais, les candidates sont aussi soumises à un quiz de culture générale et à un concours de danse traditionnelle.
Zita, étudiante en droit et vierge 'admirée'
Pascaline Boukari Kombaté dit s'être prêtée au test de virginité "à coeur joie" parce qu'elle voulait prouver à ses amies "qu'on peut bien garder sa virginité jusqu'à un certain âge".
Zita Totu, "princesse vierge 2014", est en troisième année de droit à l'Université de Lomé. "Sur le campus, mes amies me regardent avec admiration car plusieurs ONG me sollicitent pour des campagnes de sensibilisation dans des villages", se réjouit l'étudiante de 20 ans.
Au Togo, selon un rapport de l'Onusida publié l'an dernier, le taux de prévalence du VIH est de 2,5% - sur une population d'environ 7,5 millions d'habitants - et cette prévalence est deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
Le nombre de nouvelles infections et de décès dus au virus du sida a certes considérablement baissé dans le pays depuis le début des années 2000 -avec des chiffres qui restent toutefois plus élevés dans la zone côtière, notamment à Lomé, que dans les zones rurales de l'intérieur du pays.
Mais les jeunes sont loin d'être à l'abri: près de 10% des 15-24 ans ont une activité sexuelle avant leurs 15 ans et, dans cette tranche d'âge, à peine deux jeunes filles sur cinq ayant des rapports avec plusieurs partenaires utilisent des préservatifs, selon une étude de l'Unicef réalisée entre 2008 et 2012.
Briser le tabou sur le sexe
Les grossesses en milieu scolaire sont aussi un problème croissant. Plus de 5.000 ont été recensées dans les écoles, collèges et lycées du Togo pour la seule année scolaire 2012-2013. Soit presque autant que pour les quatre années précédentes réunies, selon les statistiques du ministère de l'Action sociale.
Pour porter la bonne parole, les jeunes "reines vierges" ont parcouru en quelques mois une trentaine d'écoles à Lomé et dans d'autres villes du pays. Les échanges se déroulent souvent dans les salles de classes, en présence des professeurs, ou à l'extérieur de façon plus informelle.
"Plusieurs élèves abandonnent vite les classes à cause des grossesses. Nous devons nous ressaisir et penser à notre avenir. Moi, je ne vise qu'un seul objectif pour le moment: terminer mes études et trouver du travail", serine Pascaline.
La seule façon de remédier à ces grossesses non désirées, dont le nombre est "alarmant", est de briser le tabou sur la sexualité qui a cours dans le pays, tranche Épiphanie Houmey Eklu-Koevanu, coordinatrice du Centre de recherche, d'information et de formation pour la Femme (GF2D), la plus importante association de défense des droits de la femme au Togo.
"Nous devons adapter notre façon d'éduquer les enfants à l'évolution de la société dans laquelle nous vivons actuellement", dit-elle.
Ce qui signifie qu'il ne faut pas se "limiter au discours de l'abstinence", ajoute-t-elle, mais aussi "pouvoir dire clairement à la jeune fille ce qu'elle doit faire pour éviter la grossesse".
Avec AFP