Dans un entretien exclusif à l'AFP, il parle d'une "ligne rouge" dont "le gouvernement s'approche" et qui pourrait le pousser à lancer ses hommes, comme en 2013, sur Bangui.
Leader d'une large coalition de groupes armés impliqués dans de nombreuses exactions ces dernières années en Centrafrique, il sert le thé à ses invités. Parfumé, dans un boubou soigné, Adam arbore un large sourire. Ses paroles restent guerrières.
"Un jour, on va devoir prendre nos responsabilités pour libérer le pays", menace-t-il depuis Birao, capitale de la Vakaga, région du nord de la Centrafrique, et quartier-général de son groupe armé, le Front populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC).
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Physique longiligne et lunettes fines, il se dit faiseur de roi dans le pays le moins développé du monde, revendiquant "5.000 à 8.000" hommes au FPRC et une myriade de groupes armés sous ses ordres.
"Nous en sommes au même point qu'en 2012", quand la coalition pro-musulmane de la Séléka - dont il est cofondateur - s'apprêtait à prendre le pouvoir, dit-il en pesant ses mots.
Assis dans la cour sablonneuse de la résidence du sultan de la Vakaga, - l'une des rares habitations en dur de Birao - il affirme avoir toujours autorité sur toutes les anciennes factions de la Séléka, et ce malgré de violents affrontements et dissensions entre elles ces derniers mois.
Touadéra le 'criminel'
Il s'est allié en 2015 à un groupe armé antibalaka (milices prétendument créées pour se défendre contre l'ex-Séléka musulmane) et ancien ennemi: "Avant tout, il faut qu'on lave les coeurs. Intégrer ces gens, c'est y participer". Ce ralliement a des allures de prise de guerre.
L'homme, une pierre précieuse verte au doigt, prétend - comme de nombreux autres chefs de milices et groupes armés - "vouloir la paix avant tout".
Mais Noureddine Adam reste un chef de guerre, et le président Faustin-Archange Touadéra est aujourd'hui sa cible principale.
Après le départ de la Séléka, l'intervention militaire française Sangaris, et deux ans de transition, Touadéra a été élu en 2016, soutenu par la France et l'Onu qui ont vu en lui un espoir démocratique dans un pays qui n'a connu depuis son indépendance en 1960 que coups d'Etat et instabilité politique.
"C'est un criminel", assène Adam. "Il n'a aucune chance de finir son mandat".
Retranché chez lui, dans la Vakaga, aux confins des frontières du Soudan et du Tchad, il répète à l'envie le mal qu'il pense du pouvoir actuel, qui soutiendrait et armerait selon lui les antibalaka à travers tout le pays.
Alors que l'imam de la mosquée voisine appelle à la prière du soir, Noureddine Adam continue sa diatribe guerrière. La force de l'ONU (Minusca, présente dans le pays depuis 2014) est "l'avocate du gouvernement; ce n'est pas son rôle", accuse-t-il.
Seules les sanctions onusiennes et américaines - interdiction de voyager, gel des avoirs - lui semblent "normales": "Ce n'est pas seulement moi qui ai été visé, il y a aussi les ex-présidents Michel (Djotodia) et Bozizé. Il y a des crimes qui ont été commis du côté musulman et du côté chrétien. On ne peut pas contrôler tout le monde. Depuis 2002, on est en train de s'entretuer."
"Je n'ai pas peur d'aller me justifier à Bangui", dit-il, affirmant néanmoins qu'il faut d'abord rétablir la paix "avant de voir qui a tué qui, et qui a commis des crimes."
Mais "on ne peut pas juger (ces crimes) sans être au pouvoir", ajoute-il d'emblée, laissant paraître une volonté prononcée de revenir à Bangui, où il a été quelques mois chef des renseignements sous Djotodia. Et accusé d'avoir commandité dans ces fonctions des actes de torture selon l'ONU.
Finie la sécession
Entouré de son état-major et de sa garde rapprochée, il se voit président: "Si c'est pour amener la paix et la sécurité, pourquoi pas?".
Plus question de la sécession du nord, comme il l'a prôné par le passé après la perte de Bangui par la Séléka, son but est de nouveau la capitale.
Et si la communauté internationale s'y oppose? "Ca sera dommage".
Alors qu'il se dit victime, il commande depuis son bastion désertique les attaques de ses hommes armés, au nombre généralement estimé à plusieurs centaines. Ceux-ci sont impliqués dans le meurtre de civils et le déplacement de dizaines de milliers d'autres dans le pays.
Noureddine Adam réfute les accusations de recrutement de mercenaires étrangers, mais n'hésite pas à menacer: "si les Faca (l'armée centrafricaine) sont déployées dans nos zones, c'est fini, c'est le chaos", martèle-t-il. "Nous sommes les fils de ce pays, nous avons un rôle important à jouer."
Fin 2017, en Centrafrique, un civil sur deux dépend de l'aide humanitaire et près d'une personne sur cinq a dû fuir son domicile.
Mi-décembre, l'Onu a autorisé la Russie à donner des armes au gouvernement de Touadéra. "Avec cette livraison, on approche de la ligne rouge", prévient, calme, Noureddine Adam.
Avec AFP