Lors d’une interview dans Le Monde au Féminin de VOA Afrique, le docteur Denis Mukwege, lauréat du Prix Nobel de la Paix cette année pour ces efforts visant à mettre fin à l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, a insisté sur la nécessité pour les victimes d’obtenir réparation, tant au plan légal que symbolique.
Dans cet entretien, M. Mukwege fait d'abord part de sa réaction lorsqu’il a appris qu'il était récipiendaire du plus prestigieux prix international, le Nobel de la Paix.
«Ma première réaction a été la satisfaction de constater enfin la reconnaissance de la souffrance des victimes de violences sexuelles; et ceci nous amène à considérer avoir un espoir que leur besoin de réparation sera pris en compte, et surtout aussi que l’on peut éviter qu’il y ait d’autres victimes dans les conflits armés, pour abolir le viol comme arme de guerre», a dit à VOA Afrique le docteur Denis Mukwege.
Q- Vous avez cette structure à Bukavu (l’Hôpital Panzi). Avez-vous l'intention d'en ouvrir d'autres dans d'autres régions de la République Démocratique du Congo, voir dans d'autres pays qui auraient les mêmes besoins?
R. Absolument. À Panzi, nous avons déjà ouvert deux structures, à Munamba et à Buyunga, et nous avons vraiment l’intention d’ouvrir les mêmes structures à Kinshasa, où les besoins sont énormes; mais pour le moment, nous n’avons pas les moyens de le faire. Je crois qu'il est prioritaire d'avoir un one stop center où l’on peut donner des soins holistiques. A l’extérieur, nous avons fait des missions d’exploration en Guinée-Conakry, où nous avons déjà formé des psychologues cliniciens, qui sont venus pour un court séjour à Panzi pour voir comment nous travaillons. Nous avons également eu des médecins et des infirmières qui sont venus voir comment nous travaillons. Et nous espérons que, peut-être, très prochainement, à Conakry, ils vont commencer ce modèle. Nous avons été aussi en République Centrafricaine, où nous avons fait des explorations. Les besoins sont énormes. Mais il faut des moyens pour pouvoir prendre en charge cette population à Bangui, qui a vraiment besoin de ce type de soins holistiques. J'avais aussi fait une mission en Irak pour rencontrer des femmes Yazidi, et là aussi, les besoins sont énormes. Donc, comprenez que partout où il y a eu des conflits, malheureusement, les femmes sont dans le besoin, mais les structures manquent.
Q - Vous avez récemment critiqué le gouvernement de la RDC, par rapport notamment aux élections. Vous avez dit: la solution, c’est plutôt de lutter pacifiquement pour la libération totale de notre pays. Après cela, viendra le temps des élections libres, crédibles et transparentes. Que vouliez-vous dire exactement?
R. Je me réfère tout simplement à l'article 64 de notre Constitution. Je considère que le pouvoir en place est illégal et illégitime, et normalement il est du devoir de tout Congolais d’arrêter toute personne ou groupe d’individus qui essayent de prendre le pouvoir par la force. Après 2016, nous attendons le 23 décembre. On verra ce qui va se passer, mais mon espoir est que les élections, si elles se tiennent le 23 décembre, seront acceptées par toutes les parties, l'opposition et le pouvoir. Mais à notre avis, lorsque le gouvernement n’a pas été en mesure d’organiser les élections dans les délais impartis, il serait logique que ce pouvoir puisse donner une transition qui permettrait d’organiser des élections libres, transparentes et crédibles, et qui peuvent ouvrir le Congo à une ère sans violence.
Q- Allez-vous voter le 23 décembre?
R. Je suis citoyen, je suis enregistré, je vais voter. Je suis citoyen.