L'audience aura duré moins d'une heure pour juger Abba Umar, membre du groupe jihadiste Boko Haram arrêté en 2014 à l'âge de 18 ans. Malgré son jeune âge, il se présente lui-même comme un "commandant de l'armée islamique" et a écouté sa peine avec défiance: il passera le reste de sa vie en prison.
Les pieds nus, dans sa tenue orange de prisonnier, il a refusé de commenter la décision du juge, affirmant qu'il "avait déjà dit tout ce qu'il y avait à dire" et qu'il n'avait "rien à ajouter".
Le seul témoin appelé à la barre par le parquet avait affirmé quelques minutes auparavant que le jeune Umar retournerait aussitôt dans la forêt de Sambisa, le bastion du groupe, s'il venait à être libéré.
Le juge a alors prononcé sa sentence, la plus lourde entendue jusqu'à présent dans le tribunal de Kainji, rouvert cette semaine pour juger plus de 1.000 combattants présumés de Boko Haram.
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Abba Umar a été reconnu coupable de cinq chefs d'inculpation: rétention d'informations cruciales pour retrouver le leader du groupe Abubakar Shekau, appartenance à un groupe jihadiste, avoir reçu un entrainement terroriste, tentative d'attentat-suicide dans une école et planification d'attaques armées dans l'Etat du Borno, dans le nord-est du Nigeria.
En tout, la peine revient à 127 années de prison non-cumulatives, et Abba Umar passera les 60 prochaines années derrière les barreaux.
"J'aurais pu être plus clément", a expliqué le juge devant la Cour. "Mais j'en ai été dissuadé par l'insistance du détenu à répéter qu'il retournerait à ses activités, ce qui représente un danger pour notre société".
Sur ce verdict, le jeune homme a été renvoyé. Et 41 autres auditions, d'une durée de 30 minutes à deux heures, se sont succédé dans la journée.
Une première
Le Nigeria, en proie à une insurrection qui a fait plus de 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés, a été longuement critiqué pour ses violations des droits de l'Homme en neuf ans de conflit.
Des milliers de membres présumés du groupe jihadistes, dont des centaines d'enfants, sont détenus par l'armée à travers le pays, pendant des années, dans l'attente d'un procès.
Ce tribunal, installé dans les casernes de Kainji, dans le centre-ouest du pays, est donc une première. "Le signe d'un léger changement", selon Yan St Pierre, consultant en contre-terrorisme pour Mosecon (Modern Security Consulting Group).
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"Ce n'est pas un procès qui changera des années d'abus", selon ce spécialiste de Boko Haram, mais tout de même, le fait que les juges et avocats appartiennent au civil, que ce ne soit pas un tribunal militaire à huis clos et que les audiences soient ouvertes à certains médias, est une première.
En octobre dernier, des centaines de suspects avaient été présentés devant la barre, sans qu'aucun membre de la société civile ne soit autorisé à y assister, entrainant une série de condamnation de la part d'Organisation de défense des droits de l'Homme.
Cette semaine, on se précipitait à la cour pour enfin apercevoir ces combattants présumés, dont tout le monde entend parler au Nigeria, mais qui restent dans les esprits comme des fantômes du Mal.
Audiences expéditives
Lundi, Haruna Yahaya, a été condamné à 15 ans de prison pour sa participation à l'enlèvement de plus de 200 lycéennes à Chibok en 2014. L'évènement avait déclenché une vague d'indignation mondiale sur les réseaux sociaux, autour du mouvement "Bring Back our Girls".
Ce commerçant de 35 ans, paralysé par la polio à la main et à un pied, a affirmé qu'il avait été forcé de combattre aux côtés du groupe, qu'il avait eu une liaison avec une des jeunes filles, mais qu'il n'avait pas pu "la libérer" étant lui-même contraint.
Le tribunal a reconnu qu'il avait pu être forcé à rejoindre le groupe, comme des milliers d'autres combattants, kidnappés, menacés ou contraints par la faim et la pauvreté, mais a toutefois jugé que Haruna Yahaya "avait l'option de ne pas prendre part à leurs activités".
Un autre prévenu, Mohammed Hussain, identifié comme un commandant jihadiste, n'a témoigné aucun regret pour sa participation à des attaques dans les Etats de Yobe et du Borno (nord-est).
"Si je meurs aujourd'hui, je mourrai comblé et j'irai au paradis car j'ai réalisé la volonté d'Allah. J'ai tué des infidèles qui vivaient parmi nous", s'est-il défendu.
Des dizaines de personnes inculpées attendaient d'entendre leur sentence, assis sous une bâche en plastique, dans la cour.
Pour l'instant, 468 personnes ont été relaxées, 45 condamnées à des peines allant de deux à 15 ans de prisons, et 28 autres ont vu leur dossier transféré à d'autres instances.
Une équipe d'avocats commis d'office a été envoyée à Kainji, mais les audiences expéditives ne laissent guère le temps d'étudier chaque dossier.
Personne ne sait actuellement combien de temps il faudra pour se pencher sur le reste des prévenus, a confié un procureur.
"Une fois que nous en aurons fini avec Kainji, nous avons toujours 4.000 autres dossiers en attente à Maiduguri", dans le nord-est du pays, poursuit-il.
Avec AFP