Un tribunal fédéral de l'Etat de Washington a autorisé lundi la tenue d'un procès au nom de trois anciens prisonniers, dont l'un est mort dans une prison de la CIA suite à des interrogatoires particulièrement durs.
Le tribunal a rejeté les tentatives du gouvernement américain d'obtenir un règlement négocié pour empêcher un procès public, arguant de la nécessité de protéger des renseignements classifiés.
Ce procès mené par l'ACLU, la grande organisation américaine de défense des libertés sera le premier sur les méthodes de torture utilisées par les autorités américaines dans la "guerre contre la terreur".
Il vise deux psychologues, James Mitchell et Bruce Jessen, recrutés par la CIA en 2002 pour concevoir et aider à mener des interrogatoires sur des suspects capturés en Afghanistan et ailleurs.
Les deux hommes ont reçu un montant de 80 millions de dollars pour leur travail, notamment les interrogatoires de Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau des attentats du 11 septembre et de Abu Zubaydah, un autre haut responsable d'Al Qaïda.
L'ACLU affirme que MM. Jessen et Mitchell sont responsables et ont profité financièrement de tortures illégales à l'encontre des trois plaignants: le Tanzanien Suaniman Abdullah Salim, le Libyen Mohamed Ahmed Ben Soud et l'Afghan Gul Rahman.
Les deux premiers ont été libérés après plusieurs années de détention, alors que Gul Rahman est mort d'hypothermie dans une cellule de la CIA en novembre 2002, après ce que l'ACLU a décrit comme deux semaines de "torture brutale".
"C'est un jour historique pour nos clients et tous ceux qui demandent que les responsables de la torture répondent de leurs actes", a déclaré l'avocat de l'ACLU, Dror Ladin, dans un communiqué.
"La décision du tribunal signifie que pour la première fois les personnes responsables du programme brutal et illégal de torture de la CIA seront confrontées aux conséquences judiciaires de leurs actes. Nos clients attendent justice depuis longtemps".
Le tribunal a rejeté les arguments des psychologues selon lesquels ils n'étaient pas responsables de tous les interrogatoires de la CIA et n'avaient rien à voir avec les interrogatoires de deux des plaignants.
Ils ont également affirmé ne pas être responsables de décisions spécifiques d'utiliser des "techniques d'interrogatoire renforcées" contre les plaignants, et s'être contentés de fournir à la CIA une liste de méthodes parmi lesquelles l'agence de renseignement américaine pouvait choisir.
Les deux psychologues ont appuyé leur argumentation sur le procès d'un technicien, après la Seconde Guerre mondiale, qui avait fourni du gaz Zyklon B pour les camps d'extermination, mais n'avait pas été tenu pour responsable des crimes de masse nazis.
Ils ont également souligné que la décision d'utiliser ces méthodes de torture a été prise par la CIA et approuvée par le ministère de la Justice et, qu'ils ne pouvaient donc pas être tenus responsables.
Avec AFP