"Nous demandons au gouvernement du président Alpha Condé de mettre fin au règne de la peur et de la répression" en modifiant les lois sur l'usage de la force et en cessant de recourir à l'armée lors des manifestations, dit Amnesty à l'occasion de la publication d'un rapport intitulé "Guinée: les voyants au rouge à l'approche de l'élection présidentielle de 2020".
Soixante-dix manifestants ou passants, dont un enfant de sept ans atteint par une balle perdue, ont été tués depuis janvier 2015 lors de rassemblements; les témoignages et les munitions employées désignent les policiers ou les gendarmes, dit l'ONG. Trois membres des forces de l'ordre sont également morts, ajoute-t-elle.
Malgré des dizaines de plaintes, "l'impunité continue d'être la règle en Guinée" pour les forces de sécurité, dit le rapport portant sur 2015-2019.
Il note qu'après des décennies de régimes autoritaires et militaires, le gouvernement de M. Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, a vu des progrès, comme l'abolition de la peine de mort en 2017, l'incrimination de la torture en 2016 ou l'adoption d'une loi sur le maintien de l'ordre en 2015.
Mais il dénonce l'usage excessif de la force, les interdictions de manifestations pacifiques, les arrestations "massives" et "arbitraires", notamment de dizaines de journalistes et de défenseurs des droits humains.
Malgré la loi de 2016, "des cas de torture et autres mauvais traitements sont encore signalés". Quant aux prisons, surpeuplées, les conditions y sont "déplorables", et 109 détenus y sont morts, selon une estimation très prudente, de maladie infectieuse, de malnutrition aiguë et de violence.
Le rapport est publié alors que ce petit pays pauvre de 13 millions d'habitants, coutumier des protestations et des répressions brutales, est à nouveau agité par la contestation depuis qu'un collectif a appelé à la mobilisation pour faire barrage à un éventuel troisième mandat du président Condé.
Au moins 17 civils et un gendarme ont trouvé la mort depuis le 14 octobre. Des dizaines de personnes ont été arrêtées et jugées.
"Ce cycle de la violence pourrait déraper avec l'intensification des tensions politiques" à l'approche de la présidentielle de 2020, s'inquiète Amnesty.
Amnesty tire aussi la sonnette d'alarme sur les droits des femmes et des homosexuels.
La Guinée a confirmé l'interdiction des mutilations génitales féminines en 2016, dit l'ONG. "Toutefois, cette pratique demeure courante et peu d'enquêtes et de poursuites ont été engagées". Même si le taux a baissé, une enquête démographique et sanitaire de 2018 indique que 94,5 % des femmes âgées de 15-49 ans ont subi des mutilations génitales, dit-elle.