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La France laisse la Centrafrique dans l'angoisse face aux violences


La base militaire française Sangaris, à Bangui, le 31 octobre 2016.
La base militaire française Sangaris, à Bangui, le 31 octobre 2016.

La France a officialisé lundi la fin de trois ans d'opération militaire en Centrafrique laissant un pays dans l'angoisse, désormais sous la seule protection des Casques bleus des Nations unies faute d'un Etat et d'une armée capable de résister aux groupes armés.

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, était arrivé dimanche dans la capitale centrafricaine, au moment où un règlement de comptes entre groupes armés faisait plusieurs morts dans le quartier musulman du PK5 de Bangui, terrorisant une fois de plus les populations.

En fin de semaine, d'autres violences dans le centre du pays ont fait 25 morts dont six gendarmes.

Lundi, M. Le Drian s'est attaché à rassurer les députés centrafricains lors d'un discours à l'Assemblée nationale à Bangui. Il doit présider en début d'après-midi une cérémonie marquant la fin de l'opération Sangaris.

"Cela ne signifie pas la fin des relations militaires entre la France et la Centrafrique", a insisté M. Le Drian, développant la phrase prononcée la veille par le Premier ministre français Manuel Valls: "la France n'abandonnera jamais ce pays (la Centrafrique, ndlr)".

"L'armée française sera certes moins visible mais elle sera présente, active et vigilante. Nous sommes fiers de l'opération Sangaris. Il est donc hors de question de laisser remettre en cause les acquis", a-t-il ajouté devant des élus centrafricains inquiets du regain de violence dans leur pays de 4,5 millions d'habitants où tout est à reconstruire.

"Nous conserverons une capacité d'intervention (...) grâce aux unités de l'opération Barkhane (dont l'Etat-major se trouve au Tchad voisin, ndlr) ou aux autres forces positionnées en Afrique", a avancé le ministre français.

La France maintiendra par ailleurs "une force de réserve tactique de 350 soldats" au sein de la Mission des Nations unies (Minusca), dont les 12.500 hommes sont désormais seuls en première ligne pour assurer la sécurité des civils.

Le ministre a rappelé que la France avait lancé Sangaris début décembre 2013 alors que son ex-colonie connaissait des massacres sans précédent après le renversement du président François Bozizé.

'Beaucoup trop tôt'

La prise du pouvoir par la rébellion séléka, majoritairement musulmane, et la contre-offensive des milices anti-balaka, principalement chrétiennes, avaient provoqué des milliers de morts et des centaines de milliers de réfugiés au Tchad, Cameroun, et des déplacés dans l'intérieur du pays.

L'opération Sangaris "a rempli ses trois missions: mettre fin au chaos, accompagner la montée en puissance des forces internationales et permettre la tenue d'élections démocratiques", a insisté Jean-Yves Le Drian.

La France avait mobilisé quelque 2.500 soldats au plus fort des tensions. Le ministre a également rendu hommage lundi aux quatre soldats français morts lors de l'opération Sangaris.

Le ministre s'était auparavant entretenu lundi matin avec des responsables de la Minusca, qui doit régulièrement s'interposer face aux groupes armés issus des ex-séléka, des anti-balaka ou des groupes d'auto-défense d'éleveurs peuls.

M. Le Drian a également rencontré le président Faustin-Archange Touadéra, élu en début d'année dans un calme relatif.

"Sangaris se retire beaucoup trop tôt. Nos forces de sécurité ne sont pas en mesure de prendre le relais. Les forces onusiennes sont de plus en plus débordées dans leur rôle de pompier", a regretté un député centrafricain, Anicet Georges Dologuélé, ancien candidat à l'élection présidentielle.

"C'est toujours trop tôt", a répondu M. Le Drian, qui avait glissé dans son discours à l'adresse des députés: "ces responsabilités sont d'abord les vôtres. Hier comme aujourd'hui la France est et sera aux côtés de tous les Centrafricains qui s'engagent pour l'avenir et la paix dans leur pays".

La force Sangaris a été mise en cause dans des scandales d'abus sexuels, tout comme des Casques bleus de nombreux contingents. Des enquêtes judiciaires sont en cours à Paris sur ces accusations de viols, d'abus ou d'exploitation sexuelle, notamment sur mineurs, ou de sévices physiques.

La fin de Sangaris inquiète aussi des experts comme le chercheur Robert Marchal, interrogé par le magazine français L'Express: "le risque, c'est que, comme auparavant, la Minusca soit chassée à coups de pierres et que, dans 5 ou 6 ans, une nouvelle intervention française soit indispensable pour sauver la Centrafrique d'elle-même".

"Nous comptons sur la France lorsqu'il faudra encore sauver des vies humaines", a souligné de son côté une autre députée centrafricaine.

Avec AFP

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