Dans le village côtier d'Afidégnigban, à une quinzaine de kilomètres à l'est du centre-ville de la capitale togolaise, l'érosion grignote la côte inexorablement.
La mer avance à un rythme assez rapide de 10 mètres par an en moyenne. sous le regard impuissant de sa population.
Effowe Toblie est un sexagénaire qui a passé toute sa vie dans ce village. Il y a deux ans, il a dû abandonner sa maison, chassé par les vagues. Aujourd'hui, ce père de famille vit en location. Il ne reste plus grand-chose de sa maison, quelques chambres sans portes ni fenêtres et le puits en démolition.
"Vous venez de voir mon puits en démolition. C'est ma maison. C'était une maison construite sur 4 lots, belle et bien bâtie. La majorité des chambres était rentrée dans la mer. Nous sommes au bord de la mer. L'érosion côtière a débuté depuis les années 1970. Je pourrai confirmer que c'est le port qui nous a détruits. Le premier, le deuxième et le troisième quai nous ont détruits en majorité. La mer était intacte, on peut dire que vraiment le port nous a cassés", regrette M. Toblie.
Afidégnigban rejoint inlassablement la liste des villages qui disparaissent sur la côte togolaise. Ces localités ne seraient pas en voie de disparition s'il n'y avait pas eu de travaux d'aménagement du port autonome de Lomé, estiment les riverains.
Un argument recevable affirme Dodji Kouami Adjaho, géographe, enseignant chercheur à l'université de Lomé, spécialiste en gestion des risques côtiers et de l'environnement littoral.
"Le taux élevé du recul de la côte est dû au fait que les 40 kilomètres de côte entre le port et la frontière Togo-Bénin, constitue ce que nous appelons un segment d'érosion. Les effets des changements climatiques sur nos côtes sont de plus en plus observés. Et puis, le principal ouvrage qui perturbe la dynamique de la dérive littorale sur notre côte, ce sont les ouvrages portuaires de Lomé. En occurrence, la jetée principale et la digue d'arrêt des sables qui vient d'être construite", explique le spécialiste Adjaho.
Obligées de quitter leurs maisons, les populations espèrent des actions de la part du gouvernement togolais pour maintenir la tête hors de l'eau.
"Nous sommes à la merci de la mer. On recule, maintenant là où nous sommes, nous n'avons plus de terrain, si jamais on quitte ici, puisque entre-temps on nous avait demandé de quitter ici et de vivre à 100 mètres de la berge. Mais 100 mètres de la berge, on va aller encore où ? C'est pourquoi on est confiné. Il faut que le gouvernement intervienne. Faire des digues, je ne sais pas. S'il faut nous reloger, nous recaser quelque part. Là, il faut qu'on trouve une solution, mais nous dire de quitter, on va aller où ? ", s’interroge Jacob Adoté Akué, un autre habitant du village d'Afidégnigban.
La côte togolaise, l'un des endroits les plus prisés, il y a encore une dizaine d'années, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Si certains sont en train de mettre leurs terrains en vente, d'autres y poursuivent des travaux de construction.
Afidégnigban, l'Atlantide togolais continue d'être englouti par la mer. Sa plage reste un lieu d'aisance pour les uns et de jouissance pour les autres, à l'abri des regards pour jouer aux amourettes.