Plus de 280.000 personnes ont été tuées depuis le début du conflit en 2011, des millions ont dû fuir le pays. Bombardements, armes chimiques, meurtres, viols et tortures ont réduit la Syrie en poussière.
Et quand l'aide humanitaire atteint enfin certaines villes assiégées depuis des mois, voire des années, le régime de Bachar al-Assad redouble de bombardements en représailles.
"Les actions du régime Assad défient toute notion de décence humaine", lance, atterré, un diplomate américain.
Des signes évidents montrent que le régime organise des famines dans certaines parties du pays, pour affamer les rebelles.
Pourtant, l'administration Obama insiste: seul Assad, et ses alliés russes et iraniens, peuvent mettre fin au chaos.
Mais en privé, certains diplomates américains hauts placés admettent que leur inaptitude à faire bouger les choses leur fait perdre le sommeil. Peu importe ce qui va se passer: la Syrie laissera une tache indélébile dans leurs états de service.
Et dans un mémo qui a fuité volontairement, 51 diplomates font part de leur ras-le-bol et insistent sur le fait que Barack Obama a une obligation morale de mettre fin au carnage. Pour contraindre le dictateur syrien à entamer de réelles négociations de paix, selon eux, le président américain doit se résoudre à bombarder le régime syrien, chose qu'il était sur le point de faire à l'été 2013 avant de se raviser au dernier moment.
"Faillite politique"
Mais la Maison Blanche a rapidement fait savoir qu'elle n'était pas prête à amorcer un tel virage à 180 degrés: "Le président a toujours été clair: il ne voit pas de solution militaire à la crise en Syrie, et c'est toujours le cas", a indiqué Jennifer Friedman, porte-parole de l'exécutif américain.
Le nouveau credo de la Maison Blanche, né après le fiasco de la guerre en Irak, est que les Etats-Unis ne doivent pas, et ne peuvent pas, résoudre tous les problèmes du monde.
Ainsi, Barack Obama a évité à tout prix de s'empêtrer de nouveau dans un conflit au Moyen-Orient, estimant que le principal intérêt américain en Syrie était une action anti-terroriste pour démanteler le groupe Etat islamique.
Cela laisse le secrétaire d'Etat John Kerry dans une position peu enviable: celle de tenter de négocier la fin d'une crise bien plus large avec très peu, voire aucun argument de poids en sa faveur.
Ses homologues à Moscou et à Damas sont également très conscients des réticences d'Obama et comme ils ont la main haute sur le terrain, ils ne voient aucune raison de négocier.
Voilà des années que la frustration des diplomates américains monte. Frederic Hof, ancien conseiller sur la Syrie, a ainsi démissionné de l'administration Obama en 2012.
Selon lui la ligne de conduite fixée par le président américain est "une faillite politique". Elle "laisse cruellement et gratuitement des civils innocents à la merci d'un tueur de masse", accuse-t-il.
Les efforts américains chancelants
Aujourd'hui le régime Assad et son allié russe mettent à mal un cessez-le-feu âprement négocié par John Kerry. Et les critiques notent qu'il est difficile de faire la différence entre un cessez-le-feu imparfait... et pas de cessez-le-feu du tout.
De la même manière, les efforts du secrétaire d'Etat pour pousser Assad à se retirer sont sans aucun effet, et ils le resteront tant que la Russie ne veut, ou ne peut aider.
En faisant fuiter leur mémo en pleine année électorale, les diplomates américains frondeurs espèrent pousser Barack Obama à revoir sa position, et ils pourraient trouver d'autres alliés à Washington.
En effet, même si des progrès sont réalisés contre le groupe EI, les efforts de la CIA et du Pentagone pour tenter de maintenir l'opposition au régime syrien à flot sont chancelants.
Et les bombardements russes contre des combattants modérés n'ont appelé que peu de réactions de Washington, au risque de pousser les militants sur le terrain à se rapprocher de groupes plus importants et mieux armés, dont certains proches d'al-Qaïda.
La Russie a ciblé des combattants anti-jihadistes armés par Washington, qui ne menaient aucune action contre le régime syrien: "C'est une petite force de combat tribale, plutôt bien équipée grâce aux Etats-Unis et chargée de chasser le groupe EI de l'est de la Syrie", explique Faysal Itani, analyste spécialisé sur les questions syriennes au groupe de réflexion Atlantic Council.
"Vous ne pouvez pas trouver une meilleure définition de ce qu'est un groupe modéré", ajoute-t-il. Un groupe pourtant pris pour cible par les Russes.
Moscou semble ainsi vouloir ne laisser qu'un maigre choix au prochain président américain: traiter avec Assad, ou laisser le champ libre aux jihadistes.
Avec AFP