"Il est impossible de freiner" le mouvement anti-Mugabe, prévient-il, déterminé à poursuivre son combat. "Nous devons nous assurer que la Zanu-PF (parti au pouvoir) et Mugabe partent", ajoute-t-il dans un entretien vendredi à l'AFP à Harare.
"Ce n'est pas le corps qui fourmille d'idées", relève le comédien en défiant ses tortionnaires.
Silvanos Mudzvova, un membre actif de Tajamuka ("Nous sommes agités"), un mouvement à la pointe des manifestations qui secouent le Zimbabwe depuis des semaines, raconte avoir été kidnappé par six inconnus armés mardi.
Ils ont défoncé la porte de son domicile à Harare, l'ont cagoulé et emmené dans un camion à l'extérieur de la capitale, affirme-t-il.
"Ils ont alors commencé à me poser des questions sur le financement de Tajamuka, pour savoir qui y assurait la formation militaire et où j'avais suivi mon entraînement", explique l'artiste de 38 ans.
"A chaque fois que je leur donnais des réponses qui ne les satisfaisaient pas, ils me battaient".
Il gémit en tentant de trouver une position confortable sur son lit et montre une brûlure à la cuisse, résultat selon lui de décharges électriques infligées aux orteils et à ses parties génitales.
"Avant de me laisser, ils m'ont injecté une substance qui n'a toujours pas été identifiée", poursuit ce père de famille de trois enfants.
Laissé pour mort, il a été découvert le lendemain en pleine campagne par des villageois, avant d'être hospitalisé.
Des diplômes mais pas d'emplois
Ce n'est pas la première fois que Silvanos Mudzvova se fait passer à tabac. Son corps en porte d'ailleurs toujours les stigmates.
En 2013, il est attaqué par des inconnus après avoir présenté une pièce de théâtre qu'il a écrite. Un vendeur de rue et un garagiste y planifient leur "printemps arabe" à Harare.
Trois ans plus tard, il boîte toujours de la jambe gauche.
"J'ai été témoin d'incidents similaires dans le passé", explique le chef de l'opposition politique Morgan Tsvangirai, chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), venu au chevet du comédien.
"A un moment, cet hôpital s'était transformé en centre de réfugiés avec des victimes de la violence sponsorisée par l'Etat", affirme M. Tsvangirai, qui avait comparu en 2007 devant la justice le visage tuméfié après avoir reçu des coups assénés par la police.
Un nouveau vent de fronde souffle actuellement au Zimbabwe. Une myriade de partis politiques et de mouvements de la société civile dénoncent dans la rue la faillite de l'Etat, la pauvreté grandissante et le régime Mugabe.
L'opposition a appelé à de nouvelles manifestations samedi, malgré l'interdiction de rassemblement à Harare et la répression continue des forces de sécurité.
"On a des diplômes mais on ne trouve pas d'emplois", s'indigne encore Silvanos Mudzvova. "Il faut encore faire un petit effort pour obtenir ce que nous appelons de nos voeux", la chute du président Mugabe, 92 ans, dont 36 ans au pouvoir.
"On pense que Tajamuka a un bel avenir devant lui. En tant que jeunes, c'est la seule façon pour nous de décider de notre avenir et de celui de nos enfants", estime-t-il.
L'artiste est connu pour faire entendre sa voix dans la rue, les places ou les centres commerciaux, de façon impromptue, pour éviter l'arrestation. Ses spectacles, dits "délits de fuite", laissent souvent l'audience médusée par les sujets qu'il ose aborder.
Il a présenté cette année un one-man show devant le parlement, où il dénonçait la corruption de l'Etat. Une performance qui lui a valu d'être brièvement arrêté.
Une fois sorti de l'hôpital, Silvanos Mudzvova veut déposer plainte auprès de la police. "Il leur reviendra d'enquêter ou d'oublier le dossier. Mais à un moment, la vérité éclatera", assure-t-il.
Avec AFP