Comme chaque année, des dizaines de milliers de membres de l'ethnie oromo, la plus importante d'Ethiopie, se sont rassemblés à Bishoftu, à 50 km au sud-est d'Addis Abeba, pour célébrer la fin de la saison des pluies. Mais le festival a également pris une dimension très politique, comme souvent ces dernières années.
"A bas le Woyane", ont chanté les participants, utilisant un surnom péjoratif du gouvernement, alors que se succédaient sur une scène de nombreux jeunes croisant les bras au dessus de la tête, signe devenu le symbole des manifestations anti-gouvernementales menées en 2015 et 2016 dans les régions Oromo (sud et ouest) et Amhara (nord).
Chose rare dans un pays habitué à la répression violente des manifestations anti-gouvernementales, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues lorsque les participants ont exprimé leur colère envers le gouvernement qu'ils accusent de marginaliser les Oromos, le plus grand groupe ethnique du pays.
"Le gouvernement essaye de nous contrôler et de nous priver de nos droits, de nos vies et de notre sécurité", a déclaré à l'AFP Sabana Bone, un des participants. "Nous nous souvenons de ce qui s'est passé l'année passée et cela nous met en colère. Nous avons besoin de liberté."
Lors du Irreecha 2016, la police avait tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule après la reprise par une partie des participants de slogans alors utilisés depuis de nombreux mois dans les manifestations anti-gouvernementales.
Dans le mouvement de foule qui avait suivi, de nombreuses personnes étaient tombées les unes sur les autres dans un fossé, un drame qui avait fait 55 morts selon les autorités, bien plus selon les opposants.
Afin d'éviter une nouvelle catastrophe, aucun policier en uniforme n'a été déployé cette année sur le site du festival.
Les régions Oromo et Amhara avaient été le théâtre en 2015 et 2016 de manifestations anti-gouvernementales dont la répression a fait plus de 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, liée au gouvernement, et mené à quelque 22.000 arrestations.
L'instauration de l'état d'urgence quelques jours après l'Irreecha 2016 avait largement mis un terme aux protestations, mais la colère de nombreux Oromos et Amharas n'a pas été apaisée, comme le montre la manifestation de dimanche. Cet état d'urgence a finalement été levé en août.
Avec AFP