Brazzaville se souvient de la Guerre du 5 juin, 20 ans après

Une habitation à Mfilou non réhabilitée 20 ans après, au Congo, le 3 juin 2017. (VOA/Ngouela Ngoussou)

Vingt ans après le 5 juin 1997, les populations gardent encore des souvenirs, alors que le pouvoir appelle à tout oublier.

Il y a 20 ans, le 5 juin 1997, une guerre sanglante éclatait à Brazzaville, causant la mort de plus de 30.000 personnes. C’est à l’issue de ces violents combats que le président Denis Sassou N’Guesso est revenu au pouvoir, le 15 octobre 1997, chassant ainsi Pascal Lissouba, l’homme qui l’avait battu, cinq auparavant, à l’issue d’élections démocratiques.

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Reportage de Ngouela Ngoussou, correspondant à Brazzaville pour VOA Afrique

La guerre est passée, mais les souvenirs demeurent. Encore en première année à l’université, un étudiant se souvient avoir quitté la capitale à pieds pour rattraper un train à Goma Tsé Tsé, à une vingtaine de kilomètres plus au sud.

Un autre jeune, lui, avait 8 ans lorsque la guerre du 5-juin est arrivée dans sa ville de Mouyondzi, un bastion du pouvoir de l’époque.

"Des gens étaient tués à la machette, c’était vraiment difficile à voir et très désastreux. Franchement, la guerre est à déconseiller, ce n’est pas bon", prêche-t-il, en puisant dans ses profonds souvenirs.

Au quartier Moutabala à Mfilou, réputé en 1997 fief du président Lissouba, on peut voir des stigmates de ce conflit : des maisons en ruines. C’est ici que les milices cobras ont donné leur dernier assaut sur le camp adverse.

Colonel à la retraite Jean Robert Obargui ayant pris part à la guerre du 5-Juin, à Brazzaville, le 3 juin 2017. (VOA/Ngouela Ngoussou)

Jean Robert Obargui, colonel des forces armées congolaises à la retraite, un proche du président Sassou N’Guesso, se souvient que leurs actions pendant la guerre n’étaient pas coordonnées. Les jeunes venaient de partout et allaient au front de leur propre chef. Le colonel Obargui se rappelle aussi qu’il manquait les rations et les primes pour les troupes.

"Cela favorisait les pillages. Mais c’était une guerre des forces armées congolaises contre une partie de la population", affirme-t-il.

"Nos actions n’étaient pas coordonnées comme une vraie armée, c’est vrai que chaque soir on se réunissait chez le ministre Jean Marie Tassoua pour faire le point. Même le président de la République [Sassou N’Guesso] a participé à certaines réunions. On tenait d’autres réunions à l’académie militaire Marien Ngouabi, mais ce n’est pas vraiment une vraie armée", insiste-t-il dans son témoignage, affirmant cependant avoir organisé une vraie communication sur cette guerre à partir d’un pays frontalier du Congo.

Avec le recul, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), le parti du président Lissouba, continue de dénoncer la version des vainqueurs qui l’accusent d’avoir mis le pays à feu et à sang.

Honoré Nsayi, porte-parole de l'UPADS, à Brazzaville, le 3 juin 2017. (VOA/Ngouela Ngoussou)

Selon Honoré Nsayi, le porte-parole de l’UPADS, l’histoire sera réécrite un jour.

"C’est la démocratie congolaise qui était brûlée au pétrole, l’impérialisme pétrolier qui s’est servi de valets locaux pour faire changer le cours de l’histoire dans ce pays. J’espère qu’un jour nous reviendrons à reconnaître ce que nous avons commis. Il s’est passé des choses et beaucoup de gens comprennent de plus en plus pourquoi on en était arrivé là", dit-il.

"Plus jamais ça !" C’est le message écrit sur un engin blindé devant le domicile privé du président Sassou N’Guesso à Mpila, d’où est partie cette guerre qui a fait entre 15.000 et 30.000 morts.

C’est avec cet engin que les policiers étaient venus arrêter de force des présumés auteurs de crimes terrés chez lui. Pour la société civile, les Congolais n’ont pas assez intériorisé ce message.

Loamba Moke, président de l'ADHUC, à Brazzaville, le 3 juin 2017. (VOA/Ngouela Ngoussou)

Le président de l’ONG ADHUC, Loamba Moke, stigmatise les institutions qui ne prennent pas les initiatives pour faire oublier cette triste page de l’histoire à la population.

"Regardez ce qui se passe dans le Pool, c’est comme si on n’avait rien vécu dans ce pays. On doit passer de la théorie à la pratique, ce message de 'Plus jamais ça' est affiché juste à un rond-point où d’ailleurs ne passe pas tout le monde", déplore-t-il.

Vingt ans après, les Congolais apprennent à oublier cette page sanglante de leur histoire, même si les épisodes comme ceux du Pool, rappellent encore la triste guerre du 5 Juin.

Ngouela Ngoussou, correspondant à Brazzaville