Les Européens "déterminés" à sauver l'accord sur le nucléaire iranien

La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine sur le nucléaire iranien.

Donald Trump a annoncé le retrait pur et simple des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien avec un retour de toutes les sanctions, une position dure limitant les marges de manoeuvre des Européens qui devraient poursuivre mercredi leurs concertations pour sauver le compromis de 2015.

Le président iranien Hassan Rohani, qui s'était beaucoup investi dans cet accord, a immédiatement accusé son homologue américain de pratiquer "une guerre psychologique", alors que la décision fracassante de Washington, dénoncée par tous les autres signataires, fait craindre une nouvelle montée des tensions au Moyen-Orient.

C'est "une grave erreur", a aussi réagi l'ex-président démocrate Barack Obama, sortant de sa réserve avec un ton particulièrement ferme pour défendre le texte conclu sous son administration.

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"J'annonce aujourd'hui que les Etats-Unis vont se retirer de l'accord nucléaire iranien", a déclaré Donald Trump à la Maison Blanche. Il tient ainsi, quinze mois après son arrivée au pouvoir, une promesse de campagne: "démanteler" cet accord emblématique fruit de 21 mois de négociations internationales acharnées pour empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique.

"Aujourd'hui, nous avons la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge", a-t-il martelé. "Le futur de l'Iran appartient à son peuple" qui mérite un "meilleur" gouvernement, a-t-il aussi estimé, dans une formule qui alimente les spéculations sur la volonté de Washington de faire tomber in fine le régime iranien.

Réactions allemandes, britanniques et françaises

Les Européens "feront tout" pour que Téhéran respecte l'accord sur le nucléaire iranien, a déclaré mercredi la chancelière allemande, peu après que le guide suprême iranien a exigé des garanties en réponse au retrait américain.

"Nous allons respecter l'accord et nous ferons tout pour que l'Iran se tienne à ses obligations", a dit Angela Merkel au lendemain de la décision du président américain Donald Trump de sortir de cet accord au motif que Téhéran chercherait malgré tout à se doter de l'arme atomique.

La chancelière a insisté sur le fait que ce texte constitue "un pilier qui n'aurait pas dû être remis en cause" par Donald Trump, avec qui elle entretient par ailleurs des relations compliquées.

Un peu plus tôt le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a exigé des Européens qu'ils donnent des "garanties réelles" à l'Iran pour lui permettre de rester dans l'accord de Vienne.

"Maintenant, on dit qu'on veut continuer l'accord nucléaire avec les trois pays européens, (mais) je ne fais pas confiance à ces trois pays (...) Vous voulez conclure un accord, obtenez des garanties réelles, car demain ils feront la même chose que ce que les États-Unis ont fait", a déclaré M. Khamenei lors d'un discours diffusé par la télévision d’État iranienne.

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Les Etats-Unis ne doivent pas empêcher le bon fonctionnement de l'accord nucléaire actuel avec l'Iran, a réclamé mercredi le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, le qualifiant de "vital" pour la sécurité de son pays.

"J'exhorte les États-Unis à éviter toute action qui empêcherait les autres parties de continuer à faire que l'accord fonctionne, dans l'intérêt de notre sécurité collective", a dit M. Johnson devant le Parlement britannique.

"La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine", a déclaré sur Twitter Emmanuel Macron. Dans un communiqué commun, le président français, la chancelière allemande Angela Merkel et la Première ministre britannique Theresa May, qui s'étaient tous trois investis en vain pour tenter de convaincre Donald Trump de rester dans l'accord, se sont dits "déterminés à assurer la mise en oeuvre" de ce texte en "maintenant les bénéfices économiques" au profit de la population iranienne.

Autres réactions

Moscou a aussi fait part de sa "profonde déception" et de son "extrême inquiétude".

Dans la région, la Turquie a dit craindre "de nouveaux conflits" tandis que la Syrie a "condamné avec force" l'annonce du retrait des Etats-Unis de l'accord, affirmant sa "totale solidarité" avec Téhéran.

En revanche, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, plus ferme soutien de Donald Trump sur ce dossier, a soutenu "totalement" cette décision "courageuse", tout comme le royaume sunnite d'Arabie saoudite, grand rival régional de l'Iran chiite.

L'annonce américaine était très attendue au Moyen-Orient mais aussi de l'autre côté de planète, en Corée du Nord, à l'approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong Un sur la dénucléarisation de la péninsule.

Les autres signataires de l'accord avaient défendu jusqu'au bout ce compromis qu'ils jugent "historique".

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a confirmé mercredi que l'Iran remplissait ses "engagements en matière de nucléaire" conformément à l'accord signé avec les grandes puissances.

"L'Iran est soumis au régime de vérification le plus fiable au monde en matière de nucléaire", a réaffirmé Yukiya Amano, directeur général de l'agence onusienne, dans un communiqué.

L'accord de 2015 représente une "avancée importante en matière de vérification", selon lui.

En janvier, l'ancien magnat de l'immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu'au 12 mai pour "durcir" sur plusieurs points l'accord qu'il voue aux gémonies.

En ligne de mire: les inspections de l'AIEA; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en fait selon lui une sorte de bombe à retardement; mais aussi le fait qu'il ne s'attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé "déstabilisateur" dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban...).

Malgré le retrait américain, Emmanuel Macron, qui s'était rendu à Washington fin avril, a relancé mardi son initiative visant à travailler "collectivement" à un accord "plus large" couvrant "l'activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient".

Avec AFP