Les pleurs et autres cris de déchirement pendant le décès de l'époux ne symbolisent pas seulement la douleur de la veuve, mais également et surtout la crainte de vivre le pire des moments de sa vie.
Le veuvage est un ensemble de rites et de dures épreuves que redoute la femme congolaise. Anne Marie Paule Bakana, veuve depuis quelques années, se souvient de durs moments passés pendant le deuil de son époux.
"On barricade la porte de ta chambre, tu ne peux pas te laver, tu ne peux pas manger à l'heure où tu as faim. Et puis pour l'inhumation de ton mari, on te demande beaucoup d'argent, entre 400.000 et 2 millions de francs CFA, surtout quand tu travailles. On dénonce ça", déplore-t-elle.
Lire aussi : Plusieurs critiques sur le CHU de Brazzaville fusent sur les réseaux sociauxTrès souvent, après le deuil du conjoint, la femme est mise dehors avec ses enfants. Une double douleur que dénonce également la veuve Berthe Makita. "On te met dehors avec les enfants. Mais qu'est-ce que va devenir cette famille dans la rue ?", témoigne la veuve.
Ces épreuves relevant de la tradition sont appliquées avec vigueur par les femmes contre les femmes. Madeleine Miankaba en témoigne : "Oui hélas, par les femmes ! Mais nous serons là à conscientiser les femmes, surtout nous qui sommes déjà veuves, celles qui vont venir et nos propres filles qui seront les veuves de demain. Il faut arrêter tout cela", plaide-t-elle.
Pourquoi dans une société moderne comme le Congo le poids de la tradition contraint encore les femmes à vivre un cauchemar qui remonte aux années 50 ?
Pour le professeur Auguste Miabeto, spécialiste des langues et traditions congolaises à l'université Marien Ngouabi de Brazzaville, "il y a une décantation des traditions qui doit se faire. Il y a des choses du passé qu'on ne peut plus récupérer. Les valeurs vivantes peuvent demeurer, mais les antivaleurs sont à écarter", souligne l'universitaire.
Lire aussi : Des populations victimes d'inondations attendent toujours l'aide du gouvernementPour aider les femmes à faire entendre leur voix, le CUDHOC, une ONG de défense des droits humains, a initié une démarche envers les autorités pour que le futur Code de la famille abolisse clairement ces traitements inhumains et dégradants.
Le président du CUDHOC, Gasparad Mienantima, indique que "l'objectif visé est de permettre à la veuve de connaître ses droits et qu'elle sache les défendre, ensuite elle doit s'investir pour sortir la veuve congolaise de ce que nous qualifions d'esclavage".
En attendant les réformes législatives, les pleurs qui s'élèvent dans les veillées mortuaires au Congo, traduiront toujours l'amertume d'une veuve maltraitée par sa belle-famille.