Fin mai, des centaines de Ghanéens ont manifesté à Accra devant l'agence anticorruption, le Bureau des crimes économiques et organisés, pour réclamer des arrestations et des poursuites contre les délinquants financiers, ainsi que la récupération des sommes détournées.
En parallèle, OccupyGhana, un groupe de pression citoyenne, a commencé à porter des affaires de corruption devant les tribunaux l'an dernier.
La Cour suprême a statué en sa faveur ce mois-ci, après avoir reçu une pétition de l'ONG réclamant des sanctions contre quiconque aurait détourné les fonds de l'État.
"Si vous voulez renforcer la démocratie, vous devez renforcer le système juridique", a alors déclaré le porte-parole d'OccupyGhana, Nana Sarpong Agyeman-Badu.
"Si le pouvoir judiciaire est renforcé et que nous lui faisons davantage confiance, je ne pense pas que les membres du gouvernement et les parlementaires pourront s'en tirer comme ça", a-t-il ajouté.
La précédente administration de John Dramani Mahama a été entachée par une série de scandales de corruption, y compris au sein du système judiciaire.
En 2015, le journaliste d'investigation Anas Aremeyaw Anas avait diffusé des séquences vidéos tournées en caméra cachée de magistrats acceptant des pots-de-vin pour influencer les verdicts.
Selon M. Anas, dont le leitmotiv est "nommer, déshonorer et emprisonner", chaque citoyen devrait lutter contre la corruption et aucune institution ne devrait être "intouchable à cause de son nom".
Il a fait de l'immersion une spécialité et utilise lors de ses enquêtes une batterie de déguisements. On le surnomme au Ghana "le James Bond du journalisme".
Et depuis 15 ans qu'il travaille comme journaliste d'investigation, ses articles font de plus en plus réagir la société, explique-t-il à l'AFP.
"Il est clair pour moi que le Ghanéen lambda commence à comprendre que la lutte contre la corruption n'est pas uniquement le travail du gouvernement, mais le travail de tous".
"Nous avons avancé en tant que pays, nous avons avancé en tant que peuple (...) Les gens commencent à voir qu'il est important de nous rassembler et de nous battre", dit-il.
Débuts difficiles
L'an dernier, le Ghana était noté 43 sur 100 (100 indiquant une absence de corruption) sur l'Indice de perception de la corruption publié chaque année par l'ONG Transparency International.
Ce score est en baisse par rapport à 2015 (47 sur 100), mais une récente enquête du Ghana Integrity Initiative Consortium a confirmé que les citoyens sont plus enclins à s'attaquer au problème.
Près des deux tiers des 18.000 personnes qui ont répondu suggéraient que la corruption avait augmenté entre mai 2015 et mai 2016.
Plus des trois quarts (76%) ont déclaré avoir dû payer un pot-de-vin aux fonctionnaires des impôts et plus de la moitié (61%) remettre de l'argent à la police.
Mais 86% ont déclaré qu'ils souhaitaient s'impliquer dans la lutte contre la corruption.
L'administration d'Akufo-Addo, qui a pris ses fonctions en janvier, n'a pas vraiment démarré sous les meilleurs auspices.
En mars, il a dû justifier longuement sa décision de nommer un gouvernement de 110 ministres face aux protestations de l'opposition qui dénonçait "des emplois pour les copains".
Puis, en mai, plusieurs fonctionnaires des douanes ont été arrêtés à Accra, soupçonnés d'être impliqués dans l'évaporation de 1,2 milliard de cedi (244 millions d'euros) de recettes fiscales.
Le président a promis de mettre en place un parquet spécial pour enquêter sur les allégations de corruption d'ici la fin de l'année. "Je vais faire de mon mieux pour que la lutte contre la corruption soit gagnée", a-t-il assuré la semaine dernière.
Selon Beauty Emefa Narteh, la secrétaire exécutive de la Coalition anticorruption du Ghana, Nana Akufo-Addo doit montrer à ses compatriotes qu'il ne baissera pas les bras comme ses prédécesseurs.
Avant, "les citoyens étaient très apathiques à l'égard de ce qui se passait, affirme-t-elle. Maintenant, ils se considèrent comme faisant partie du gouvernement".
Avec AFP