L'ONU inquiète pour l'approvisionnement des civils au Yémen

Le port of Hodeida, Yémen, le 7 novembre 2017.

De violents combats ont fait 39 morts jeudi parmi les rebelles et les forces progouvernementales aux portes de Hodeida, dans l'ouest du Yémen, au deuxième jour de l'offensive qui vise cette importante ville portuaire et fait craindre une interruption de l'aide humanitaire.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé que le port de la ville, par où transite l'essentiel des marchandises importées, reste ouvert pour éviter que s'aggrave une crise humanitaire déjà considérée comme la "pire au monde".

Selon des sources militaires et médicales, les combats se sont déroulés à 2 kilomètres de l'entrée de l'aéroport de Hodeida, à la sortie sud de cette ville dont le port est crucial pour l'acheminement de l'aide humanitaire dans le pays.

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"Nous ne sommes pas en train de nous approcher du port" et "nous n'avons pas l'intention de détruire l'infrastructure", a dit le ministre yéménite des Affaires étrangères Khaled Alyemany lors d'une conférence de presse à New York. "Nous sommes dans une zone proche de l'aéroport, mais pas du port. Le port est totalement en dehors des opérations, aujourd'hui", a-t-il insisté.

Trois hélicoptères d'assaut Apache de la coalition militaire menée par l'Arabie saoudite en soutien au gouvernement yéménite sont intervenus notamment contre les insurgés, ont indiqué des sources militaires.

Les rebelles Houthis ont opposé, selon ces sources, une résistance farouche aux forces progouvernementales. Leurs tireurs embusqués ont tué ou blessé de nombreux soldats, selon des secouristes.

Dans ce contexte, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi s'est rendu jeudi à Aden (sud), la capitale provisoire de l'autorité internationalement reconnue, lors de sa première visite publique dans le pays en guerre en plus d'un an.

Selon l'agence de presse officielle Saba, la visite de M. Hadi --qui vit en exil à Ryad-- a pour but de "superviser" les opérations militaires dans la province de Hodeida.

Un correspondant de l'AFP à Al-Douraïhimi, au sud de l'aéroport de Hodeida, a vu des ambulances évacuer des morts et des blessés progouvernementaux et des renforts loyalistes se diriger vers la ligne de front.

Selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), les habitants de Hodeida restent confinés chez eux alors que le bruit des bombardements semble de plus en plus proche.

- Port ouvert -

La coalition dirigée par Ryad intervient au Yémen depuis mars 2015 pour aider le pouvoir du président Hadi à stopper la progression des rebelles Houthis qui occupent de vastes régions dont la capitale Sanaa.

Dans cette guerre qui a fait près de 10.000 morts en plus de trois ans, la bataille de Hodeida est la plus importante depuis l'offensive de l'été 2015 qui avait permis aux forces progouvernementales de reprendre aux rebelles plusieurs régions du sud du pays dont Aden, la deuxième ville du pays.

Hodeida, grand port sur la mer Rouge, est le point d'entrée d'une bonne partie des importations et de l'aide humanitaire en territoire yéménite, et constitue un enjeu stratégique.

Le port reste ouvert en dépit de l'assaut, a indiqué à l'AFP son directeur Daoud Fadhel.

Mercredi, les Houthis ont affirmé via leur chaîne de télévision Al-Massirah avoir touché un navire de la coalition avec deux missiles au large de Hodeida. Cette information n'a pas pu être confirmée de source indépendante.

Cette coalition menée par Ryad a, elle, indiqué jeudi que la défense antiaérienne saoudienne avait intercepté dans le sud du royaume un missile balistique tiré d'une zone rebelle au Yémen. Aucune victime n'a été signalée.

- Appel de l'ONU -

A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a "répété son appel à laisser ouverts les ports de Hodeida et Salif", au nord de la ville de Hodeida, pour assurer la continuité de l'approvisionnement, a déclaré à l'issue d'une réunion de deux heures l'ambassadeur russe Vassily Nebenzia. Une proposition de la Suède, qui souhaitait que l'ONU appelle à la suspension immédiate des hostilités pour laisser une chance aux négociations sur un retrait des rebelles, n'a toutefois pas été retenue.

Auparavant, les deux piliers de la coalition --l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis-- ont tenté d'apaiser les craintes sur l'aide humanitaire.

Des "ponts aérien, maritime et terrestre" ont été prévus pour assurer l'acheminement de cette aide, ont-ils affirmé mercredi à Ryad lors d'une conférence de presse conjointe d'Abdallah al-Rabeeah, qui dirige le Centre roi Salmane d'aide et de secours, et Rim al-Hachémi, ministre d'Etat émiratie à la Coopération internationale.

L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a lui appelé à "la retenue" en soulignant être en contact avec "toutes les parties concernées pour négocier des arrangements".

Il a reçu le "soutien vigoureux" du secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, pour qu'il amène "à la table de négociations toutes les parties du conflit", selon un porte-parole du Pentagone.

Mercredi, des ONG internationales ont estimé que l'assaut sur Hodeida "aurait probablement des conséquences catastrophiques sur la population civile", dans une lettre au président français Emmanuel Macron.

Elles ont dans ce contexte jugé "inconcevable" de maintenir une conférence humanitaire sur le Yémen prévue fin juin à Paris. Mais la France a réaffirmé son souhait de l'organiser.

Avec AFP