Le Soudan intensifie la pression pour que les Casques bleus se retirent du Darfour en assurant que cette région ravagée par la guerre est désormais pacifiée, ce dont doutent des diplomates et des experts.
Ces pressions augmentent à l'approche du lancement en juin de discussions au Conseil de sécurité sur le renouvellement de la mission de l'ONU au Darfour.
Environ 20.000 soldats et policiers de plus de 30 pays y sont actuellement déployés dans le cadre de la Mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine (Minuad).
Lancée en 2007, celle-ci est chargée de lutter contre les violences dans cette immense et pauvre région de la taille de la France où un conflit meurtrier a fait des dizaines de milliers de morts parmi les civils depuis 2003.
Mais depuis l'organisation en avril d'un référendum --contesté et boycotté par l'opposition-- sur le statut administratif de la province, Khartoum juge que le conflit est terminé.
"Il est temps de dire adieu à la Minuad", a récemment lancé le secrétaire d'Etat, Kamal Ismaïl. "Cette mission était destinée à protéger les civils, mais ils ne sont désormais plus en danger. Il n'y a pas de conflit au Darfour".
Il a indiqué que Khartoum négociait avec la Minuad pour organiser la fin de l'opération. Des responsables soulignent également que certains pays membres de la mission ont exprimé leur souhait de retirer une partie ou l'intégralité de leurs troupes.
Les Casques bleus avaient été déployés pour mettre fin à un conflit dévastateur qui a fait 300.000 morts et quelque 2,5 millions de déplacés selon l'ONU.
La rébellion avait été initiée en 2003 par des groupes armés issus de minorités ethniques qui dénonçaient la marginalisation politique et économique de leur région par le régime du président soudanais Omar el-Béchir.
'Gâchis'
Des responsables de la Minuad et des diplomates étrangers ont indiqué à l'AFP que, malgré le recul des affrontements entre les troupes gouvernementales et les rebelles ces derniers mois, la situation générale au Darfour demeurait préoccupante.
La situation au Darfour reste "fragile et imprévisible", a estimé en avril un expert indépendant de l'ONU après une visite dans la région. "Il y a encore des déplacements massifs au Darfour", rappelle de son côté un diplomate étranger sous couvert d'anonymat.
Plus de 100.000 personnes ont été forcées de fuir leurs foyers après des combats sporadiques qui continuent d'opposer régime et rebelles dans le Jebel Marra, une zone montagneuse à cheval sur trois Etats du Darfour.
Le 9 mai, six civils ont été tués lors d'une attaque d'hommes armés contre un camp de déplacés. Le mois précédent, 20 personnes avaient péri dans le Darfour-Est lors d'affrontements entre deux tribus arabes rivales provoqués par des vols de bétail, les heurts entre groupes tribaux étant toujours fréquents, tout comme les violences liées au banditisme.
Mais, assure Tijani Sissi, chef de l'Autorité régionale du Darfour, la région est sûre même s'"il y a encore quelques incidents isolés", une situation "normale pour une région qui sort de la guerre".
Khartoum est "très intéressé" par le départ de la Minuad, estime le diplomate, mais celle-ci "ne pourra se retirer que lorsque l'ONU aura accompli sa mission au Darfour". Ce qui implique notamment la protection des civils, l'accès à l'aide humanitaire et le succès des négociations de la paix entre Khartoum et les groupes rebelles, qui n'ont pas encore signé l'accord de Doha pour la paix au Darfour.
M. Ismaïl assure que le Soudan est en mesure de "maintenir la paix" si la Minuad se retire. "La poursuite de cette mission est tout simplement un gâchis d'argent", qui pourrait être consacré à des projets de développement au Darfour ou ailleurs au Soudan, selon le chef de la diplomatie.
Avec AFP