Le ministère de l'Information a suspendu Mawio pour une période de 24 mois, lui reprochant de mettre en cause les ex-présidents Benjamin Mkapa et Jakaya Kikwete alors que l'enquête ordonnée par l'actuel chef de l'Etat, John Magufuli, ne les cite nulle part dans ses conclusions.
"Après la suspension du journal, j'ai déjà reçu trois appels téléphoniques me menaçant. L'un d'entre eux, une voix masculine, m'a demandé si j'attachais du prix à ma vie. Je lui ai demandé qui il était mais il a coupé", a dénoncé ce weekend à l'AFP Simon Mkina, rédacteur en chef de Mawio.
"L'appel n'affichait pas de numéro. Je ne pouvais donc pas rappeler la personne", a poursuivi le journaliste, joint au téléphone. Il a indiqué en avoir informé le conseil d'administration du journal et saisi la police qui lui a répondu que "cela allait être difficile du moment qu'il s'agissait d'appels anonymes".
"Concernant la suspension du journal, nous allons en justice. Nous sommes juste en train de négocier avec un bon avocat. Nous devrions saisir la justice la semaine prochaine", a ajouté M. Mkina.
Une commission d'enquête mandatée par le président Magufuli a estimé lundi à 75 milliards d'euros les pertes fiscales liées aux fraudes autour de l'exploitation minière depuis 1998, principalement en raison de la non déclaration de revenus par des sociétés étrangères, et pointé du doigt des contrats d'exploitation largement défavorables à l'Etat tanzanien.
Jeudi, l'hebdomadaire Mawio, critique envers le gouvernement du quatrième pays exportateur d'or du continent, a publié en première page les photos de Jakaya Kikwete (2005-2015) et Benjamin Mkapa (1995-2005), avant de reprendre une intervention à l'Assemblée nationale du député d'opposition Tundu Lissu.
Dans cette intervention intitulée "Lissu: Mkapa, Kikwete, comment y échappent-ils?", M. Lissu soutient que les principaux responsables de ces contrats controversés sont MM. Kikwete et Mkapa et demande que les deux anciens présidents soient entendus dans le cadre d'une enquête.
Mawio avait déjà été frappé d'interdiction, finalement levée par la justice, pour sa couverture de la crise politique à Zanzibar après les élections de 2015.
Mercredi, M. Magufuli avait menacé de "mesures sévères" les journaux qui "s'efforcent" selon lui d'accuser MM. Kikwete et Mkapa d'avoir joué un rôle dans la signature des contrats controversés. Son ministre de la Justice, Palamagamba Kabudi, avait rappelé que les ex-présidents bénéficient d'une immunité contre des poursuites pour d'éventuels manquements durant leur mandat.
A la suite de la publication des rapports sur le secteur minier, le président Magufuli avait ordonné la révision de la législation régissant l'attribution des contrats d'exploitation et demandé à la justice d'interroger, voire poursuivre, les anciens ministres ayant signé les contrats défavorables à l'Etat.
Avec AFP