Lutte contre les détournements des fonds publics au Cameroun

La prison centrale de Yaoundé, au Cameroun, le 22 mars 2018. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

Au Cameroun, trois anciens hauts fonctionnaires de l’Etat sont en prison à Yaoundé depuis le 21 mars dernier.

Cette vague d’arrestations de certaines hautes personnalités va s’intensifier, si l’on s’en tient au nombre de gestionnaires de fonds publics sous convocation au tribunal criminel spécial.

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Reportage d'Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé pour VOA Afrique


Cependant, au sein de l’opinion publique camerounaise, cette opération suscite des avis divergents.

L’indice n’était pas trompeur. L'interdiction par les services de sécurité, de sortie du territoire à certains hauts responsables du pays, vient de lancer une nouvelle phase de la lutte contre les détournements de fonds publics au Cameroun.

Un bâtiment du tribunal criminel spécial où des enquêteurs spécialisés de police judiciaire, interrogés les personnalités soupçonnées de détournements des fonds au Cameroun, le 22 mars 2018. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

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L’ancien directeur général de la Cameroon Water Utilities, William Sollo, l’ex-recteur de l’université de Douala, Bruno Bekolo Ebe, un ancien secrétaire d’Etat aux travaux publics, ont été les premiers à être écroués.

Njoya Moussa, politologue au département Sciences de langage - Université de Yaoundé 1, au Cameroun, le 22 mars 2018. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

​Le chronogramme de ces arrestations est loin d’être fortuit en cette année électorale au Cameroun explique Njoya Moussa, enseignant et politologue à l’université de Yaoundé 1.

"Ce chronogramme est loin d’être une simple lutte contre la corruption en cette année électorale au Cameroun", soutient le politologue Njoya Moussa, enseignant à l’université de Yaoundé 1.

"Le président Paul Biya se retrouve aujourd’hui dans l’impossibilité d’une thématique véritable en terme de bilan pour la campagne présidentielle.Alors on peut s’accrocher sur cette diversion de la population à travers la relance de l’opération épervier et celle-ci va s’intensifier davantage pour pouvoir servir de cache-sexe à cette absence de bilan politique après 7 ans", pense le politologue Njoya Moussa.

Les trois fonctionnaires sont soupçonnés de malversations financières de plus de 50 milliards de francs CFA commises dans leurs fonctions respectives.

Reste que pour Salomon, un jeune employé du secteur privé à Yaoundé, "l’opération est salutaire, parce que les gens confondent l’argent de l’Etat avec le leur. Il est de bon ton que ces personnes répondent de leur mauvaise gestion, c’est la moindre des choses dans un État de droit".

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Dans la classe politique camerounaise, la relance de l’opération Epervier au Cameroun n’enthousiasme pas tout le monde comme le souligne Alice Sadio, présidente de l’Alliance des forces progressistes.

"Tant que nous soupirions sous ce modèle ultra centralisé où tout est concentré entre les mains du pouvoir l’exécutif , le fléau des détournements des fonds publics ne sera jamais résorbé au Cameroun. Cette lutte contre la corruption est ni plus ni moins que la plus grosse escroquerie du siècle", a déclaré Alice Sadjio.


Contactés, les avocats des premières personnalités écrouées se réservent encore de tout commentaire à la presse.

En sommeil depuis 4 ans, la campagne d’arrestations des hauts gestionnaires de l’Etat indélicats, en cours, est la quatrième du genre sous l’ère Paul Biya.