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Négociations à Paris pour les frères ennemis libyens


Le maréchal libyen Khalifa Haftar, lors d’une conférence de presse à Amman, Jordanie, 24 août 2015.
Le maréchal libyen Khalifa Haftar, lors d’une conférence de presse à Amman, Jordanie, 24 août 2015.

Les frères ennemis libyens, le politique Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar, se rencontrent près de Paris sous l'égide du président français Emmanuel Macron, qui espère leur faire signer un engagement à œuvrer pour sortir le pays du chaos.

Fayez al-Sarraj, chef du fragile gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, et le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est du pays qui conteste sa légitimité et accumule les gains militaires sur le terrain, sont attendus dans l'après-midi au château de la Celle-Saint-Cloud, une propriété du ministère français des Affaires étrangères en région parisienne.

Ils seront reçus tour à tour par le chef de l'Etat français, avant une réunion tripartite en présence du nouvel émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salame, qui prend ses fonctions cette semaine. Il s'agit de la troisième rencontre entre les deux rivaux, dont la dernière en mai à Abou Dhabi n'avait guère donné de résultats.

L'initiative est périlleuse, compte tenu de la complexité de la situation libyenne, pays riche en pétrole qui a sombré dans le chaos depuis la chute du colonel Kadhafi fin 2011: plusieurs autorités rivales et des myriades de milices se disputent le pouvoir, la menace jihadiste reste présente, et les trafics d'armes et d'êtres humains prospèrent. Sans oublier l'implication de puissances régionales rivales dans le conflit.

"Un panorama incroyablement éclaté sur le plan politique et militaire", résume un diplomate français.

Mais, estime l'Elysée, cette rencontre entre les deux protagonistes est en elle-même un "signal fort" et démontre "l'engagement personnel" du chef de l'Etat français. "L'idée n'est pas de trouver demain une solution à la crise libyenne, mais nous souhaitons que les deux protagonistes se mettent d'accord sur une déclaration conjointe", réitérant notamment qu'il n'y a pas de solution militaire en Libye, indique-t-on à la présidence. Les discussions sur ce texte ont déjà commencé et s'avèrent difficiles, précise cette source.

- 'Erreurs du passé' -

Le nouveau président français a fait du dossier libyen une de ses priorités, et avalisé la ligne "pragmatique" de son chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, qui "prend en compte la réalité du terrain", et considère le maréchal Haftar comme le principal rempart à la menace jihadiste. La mort de trois militaires français il y a un an avait d'ailleurs révélé l'engagement de Paris aux côtés d'Haftar.

"L'équilibre des forces sur le terrain a basculé en faveur d'Haftar: il a sécurisé plusieurs bases dans le sud du pays, a conquis la base stratégique d'Al Joufra dans le centre et pourrait se diriger vers Syrte (ouest) dans les prochaines semaines", résume Mattia Toaldo, spécialiste de la Libye à l'ECFR (European Council on foreign relations).

Fort de ses connections avec plusieurs protagonistes de la crise, en particulier l'Egypte et les Emirats arabes Unis, soutiens du maréchal Haftar, M. Le Drian a effectué dès son arrivée au Quai d'Orsay une tournée régionale pour relancer les efforts sur la Libye.

Mais, selon M. Toaldo, le succès "est loin d'être garanti". M. Sarraj, soutenu par la communauté internationale, n'a pas réussi à installer son autorité plus d'un an après l'installation du GNA à Tripoli. Quant au maréchal Haftar, nombre d'observateurs indépendants s'interrogent sur ses ambitions et sa volonté de se soumettre à une autorité civile.

"Je ne pense pas qu'il soit contrôlable. Il veut gouverner la Libye et combattra tous ceux qui sont contre lui", estime une source humanitaire qui se rend régulièrement sur le terrain. "Il faut espérer que lorsqu'il signera quelque chose il respectera sa signature", reconnaît une source diplomatique, également sceptique.

L'initiative française fait aussi grincer les dents du côté de l'Italie, ancienne puissance coloniale en Libye et aujourd'hui en première ligne face aux migrants qui débarquent chaque jour par centaines depuis les côtes libyennes.

"La France ne doit pas répéter en Libye les erreurs commises par le passé", a estimé le secrétaire d'Etat italien aux Affaires européennes Sandro Gozi, qualifiant de "désastreuse" l'intervention internationale décidée en 2011 sous l'impulsion du président Nicolas Sarkozy.

"L'engagement de Macron dans la crise doit être inclusif et s'appuyer sur une relation spéciale avec l'Italie", prévient M. Gozi dans un entretien lundi au quotidien La Repubblica.

Avec AFP

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