Mossoul est la grande ville où l'EI avait déclaré son "califat" en juin 2014. Et Raqa est la capitale "de facto" du groupe Etat islamique, la ville que les jihadistes mettaient en vitrine dans leur propagande.
La semaine dernière, le secrétaire américain à la défense Ashton Carter a créé la surprise en évoquant une offensive sur Raqa "dans les prochaines semaines", alors même que l'offensive sur Mossoul ne faisait que commencer.
Mais l'expression, utilisée aussi par le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, a fait sursauter quelques hauts responsables militaires américains, tant l'offensive sur Raqa présente d'inconnues qui n'ont pas encore été réglées.
"Cette expression 'les prochaines semaines' est probablement un peu au-delà de ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant", a diplomatiquement reconnu un responsable militaire américain interrogé par l'AFP.
En fait, selon les explications distillées cette semaine par le Pentagone, ce sont les opérations "d'isolation" ou "d'enveloppement" de Raqa qui pourraient commencer dans les prochaines semaines.
Les opérations de "libération", c'est à dire l'assaut lui-même, commenceraient elles plus tard.
"La fin de l'année est envisageable" pour l'assaut proprement dit, "mais cela pourrait traîner plus longtemps pour des raisons que nous ne contrôlons pas", a reconnu un autre militaire américain.
Selon lui, la principale inconnue est plus diplomatique que strictement militaire.
- Isoler la ville -
Les Etats-Unis doivent obtenir un accord sur la manière d'attaquer Raqa de la part des Turcs et des Kurdes syriens. Deux alliés cruciaux, qui sont aussi des ennemis jurés.
La Turquie considère les milices kurdes YPG comme des "terroristes" proche du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), l'organisation séparatiste kurde en guerre contre le gouvernement turc depuis 1984.
Et elle ne veut pas les voir partir à l'assaut de Raqa, et consolider ainsi encore une influence kurde dans la région qui terrifie Ankara.
Mais ces milices kurdes syriennes sont aussi les alliées les plus efficaces jusqu'à maintenant des Etats-Unis et de la coalition contre l'EI. Ce sont elles qui ont lancé la reconquête sur les jihadistes à Kobane en janvier 2015, elles qui ont ensuite poursuivi cette reconquête le long de la frontière turque.
Et ce sont elles qui ont repris en août, avec des alliés arabes intégrés dans une coalition baptisée "Forces démocratiques syriennes", le carrefour stratégique de Minbej, ex-plaque tournante des jihadistes étrangers qui venaient combattre en Syrie.
Selon les informations distillées cette semaine par les responsables du Pentagone, la solution serait de laisser les Kurdes syriens participer à la première phase de l'offensive sur Raqa, celle qui commencera "d'ici quelques semaines".
Dans ce scénario, les Kurdes syriens s'avanceraient un peu plus près de la ville pour resserrer l'étau sur les jihadistes.
Mais ils ne participeraient pas à l'assaut de la ville proprement dite, qui serait laissé à des forces arabes, acceptables pour la Turquie, et aurait lieu plus tard.
"Raqa est d'abord une ville arabe", a rappelé cette semaine le colonel américain John Dorrian, un porte-parole de la coalition à Bagdad.
Militairement parlant, toute la question est de savoir si ces combattants arabes constitueront une force suffisamment puissante pour battre les jihadistes.
Selon le colonel Dorrian, il y aurait aujourd'hui jusqu'à 10.000 combattants arabes prêts à partir au combat.
Mais les militaires américains espèrent parvenir à "augmenter l'effort de formation et créer plus de forces arabes", a-t-il reconnu dans un point-presse jeudi.
"C'est ce à quoi nous travaillons en ce moment. Mais cela n'empêche pas de faire mouvement et d'isoler la ville", a-t-il souligné.
Selon lui, la formation nécessaire pour les nouveaux combattants arabes n'est de toute façon pas très longue.
"On ne parle pas de débutants, on parle de gens qui se sont déjà battus pour défendre leurs propres villages", a-t-il estimé.
Avec AFP